Quand l'art et le handicap se rencontrent, une relation et une narration étroites se créent. FAIRE LE MUR où l'ouverture sur l'Enfant Soleil c'est le récit et la réalisation d'une œuvre collective à échelle humaine, une fresque en intérieur et une fenêtre sur l'extérieur.
Cette création plastique, illustrative et graphique, va être figurative ou abstraite ; le gage d'un emprunt d'éléments naturels, manufacturés, issus de l'environnement quotidien – des traces (masques et pochoirs) - témoin visuel d'une expérience partagée.
L'artiste propose à l'Enfant Soleil, structure d'accueil de jour pour personnes en situation de handicap - et plus précisément aux adultes du groupe d'entraide mutuelle, d'investir le mur situé dans leur salle de détente et de participer à la réalisation d'une création originale, plastique et "sensorielle".
Il s'agit ici d'une exploration de formes et de matières, basée sur l’expérimentation de la couleur, la manipulation d'outils variés et le détournement d'objets et d'éléments organiques. C'est l'occasion pour eux de s'exprimer, d'improviser et à leur manière de dessiner, tout en s'impliquant dans leur lieu de résidence.
Cette immédiateté temporelle et cette immersion dans l'espace, va leur permettre de vivre un moment de spontanéité où l'expérience est authentique. Dans la réalisation et la conception, les aplats et lignes pourraient se confondre, l'obscur et le lumineux se mélanger, les masques et pochoirs se confronter et la composition générale, bien que pensée, pourrait paraître déstructurée. À la manière d'un monde diversifié, fini et infini, imparfait et incroyable, cela va donner lieu à une création visuelle étonnante.
Une résidence, c'est quoi ? Une immersion Dans un espace, Au cœur d'un groupe, Faites de rencontres, De créativité, D'échange, D'écoute, D'observation, De réflexion. Comment donner du sens A cette résidence, Ici maintenant ?
FOCALE - Voici la pièce de mon intervention plastique, pour l'instant vierge. Un espace brut, un peu vétuste où la lumière discrète glisse le long du mur. Ce mur attend de « Faire le mur « et l'ouverture sur L'Enfant Soleil.
L'ENFANT SOLEIL - L'Enfant Soleil est une Association Charentaise venant en aide aux familles d’enfants et d’adultes en situation de handicap ou de maladie, toutes pathologies confondues.
Je réalise ma résidence au sein de cette structure et plus précisément avec le GEM "Le Soleil", le Groupe d'Entraide Mutuelle à destination d'adultes atteints de troubles du spectre autistique.
FÉLIX, NICOLAS ET MOI - En silence et à murmure, humblement, Félix, Nicolas et moi nous repeignons les radiateurs. La préparation des surfaces est monotone mais primordiale pour la suite. Cette semaine de résidence est celle de la préparation de l'espace et des surfaces de travail, des outils, etc. C'est aussi la rencontre des animateurs et des adhérents de l'association.
MASQUE - Le masque s'impose. Je dispose.
BOMBE - Le choix des couleurs sera multiple. Ils disposeront.
TACHES - Inspiration. Suggestion. Paysage.
PREMIERE COLLECTE - Voici une sélection d'objets, d'outils permettant de réaliser des masques et des pochoirs.
PREMIERE RECHERCHE - Ce mur dans cette pièce de repos, doit respirer. J'imagine de grands espaces, des pleins et des vides, un mouvement le traversant à la manière d'une brise, d'un souffle de vie. Je cherche. Ils cherchent. Nous cherchons...
SECONDE COLLECTE - De retour d'Emmaüs, des objets s'ajoutent aux premiers. Leurs rencontres, leurs confrontations, leurs manipulations vont donner lieu à des assemblages, des formes, des empreintes.
EMMAÜS ANGOULÊME - Le temps est en suspens à Emmaüs. Un espace social que les époques traversent et qui trouve sens par l'accumulation et la redistribution d'objets, ici et maintenant. Comme à L'Enfant Soleil, le temps semble suspendu à celui d'un espace social que les adhérents parcourent, et qui trouve sens par leur présence et l'immédiateté du moment vécu et partagé, ici et maintenant.
Brouillon, esquisse et recherche. Comment faire abstraction du sens et de l'utilité des objets, pour ne garder qu'un assemblage de formes et d'empreintes potentielles ?
UN ET DEUX FONT TROIS, ETC. - Association, répartition, composition.
TROIS PAR TROIS - Quadrillage, recensement, fantaisie.
MULTIPLES - Observation, manipulation, personnification.
INTROSPECTION-OBSERVATION-ARCHIVE -
PEINTURE J1 / Jeudi 12 août - Dans les grandes lignes, avec mon pinceau, je trace, danse et glisse sur le mur. Une masse le traverse. La lumière s'infiltre et m'invite à la suivre.
DE PORTE À PÂTE À TARTINER - Quelque chose se raconte - un balbutiement ou un murmure qui m'amuse. En attendant le dénouement, je vous sers un toast ?
TOUT SE CROISE - À chaque chose sa place. Au milieu un écran, à gauche une porte, à droite des tuyaux et en mon centre un seau pour l'eau et laver mes pinceaux.
PEINTURE / Vendredi 13 août
TROUBLE BROUILLON - Sur papier, les aplats sont posés, les couleurs sur mes mains se mélangent. Le mur peint tremble, il craint des bavures et des taches sur son ventre quand je redoute celui de la page blanche qui me retourne légèrement la panse.
PEINTURE / Samedi 14 août -
DIAGONALE - Étrangement ma main droite reproduit en grand ce que ma main gauche dessine à table et en vignette. Du petit je passe au grand format et ni les détails ni la distance ne me manquent. Un équilibre horical-vertizontal qui confirme l'entente en miroir de mes deux membres.
EMBRANCHEMENT - D'un côté, un mur, une fresque, une peinture, un rendu attendu. De l'autre, des photos, des archives, des images potentielles. Au croisement, l’expérimentation et la recherche, plastique et artistique, analogique et numérique. Cette résidence m'en donne le temps, je m'en empare et m'en amuse. En double ou en miroir, en superposant ce que je vois et entrevois en abîme, je compose des paysages, des abstractions et des histoires, en direct, en différé, "in situ" et "on-line".
SESSION / Mercredi 18 août - Pieds et mains protégés, assis, courbés ou penchés, Nous testons, nous prenons, nous posons, nous pressons. Nous jouons de l'aérosol sur fond de radiateur, Et notons sur des brouillons de couleur. Ici une note dissonante, là une tâche concordante. Souffle, siffle, piaille le papier plaqué, plié ou étiré.
PEINTURE / Jeudi 19 août - Il me reste 3 jours de résidence, en comptant cette journée.
ANALOGIE - Limpide : bois - pinceau - trace
SCÈNE & CERNES - L'analogie entre des morceaux de bois, un pinceau et des traces de peinture bleu nuit, me parait limpide.
Cette analogie m'habite l'esprit et la pièce devient le théâtre d'une histoire d'ombres, de forêts, d'interstices.
Je cherche un équilibre, une harmonie du plein et du rien comme pour répondre aux enjeux de ma présence ici.
Le vide et l'occupation, du temps et de l'espace.
CONFUSION & INTRUSION - Par extension, comment le remplir et l'occuper, cet espace et ce temps là ?
Le but est de réaliser une fresque qui vient couvrir un mur situé dans une salle de détente censée être habitée et vivante.
L'idée est de réaliser une peinture qui vient courir le long d'un mur, une œuvre qui se veut collective et pourtant...
La solitude parfois m'accompagne là où j'aurais souhaité partager mon temps avec des compagnons plus éloquents que celui de l'isolement.
Dans la nuit du jeudi 18 au vendredi 20 août 2021.
Dans l'entre deux.
SONGE - Quand la journée s'invite à la nuit. Divaguer, s'égarer, errer ça et là. La scène se rejoue : Le décor - des bois, les acteurs - des radiateurs grignoteurs. Dans l'antre de...
OBSESSION - Quand « faire le mur » m'envahit l'esprit. Le sujet m’assiège. L'objectif m’obnubile. Le résultat traîne et l'araignée guette et pipistrelles. La suite...
COMPREHENSIBLE & COMPRESSIBLE - S'adapter à l'Enfant Soleil, ici et maintenant, c'est lâcher prise et faire confiance au reste : Au peu qui existe et coexiste dans ces petits espaces vides entre les parties d'un tout ; Au peu qui devient beaucoup en comblant et reliant l'espace-temps des uns et des autres. S'adapter à l'Enfant Soleil, ici et maintenant, c'est apprendre à prendre le temps. Ou désapprendre à l'ignorer en se laissant porter, Sans plonger dans un trou, s'engouffrer dans un flou.
(...) - L’anecdotique en devenant l'essentiel boucle la boucle, d'ici peu à beaucoup. Et l'Enfant comme le Soleil, nous dépasse et n'a que faire du temps qui passe. Il brille et ci-gît la lumière.
SESSION / Vendredi 20 août - Qu'on les appelle par leur prénom, Juliette, Mathilde et Marion, Félix et Grégory, tous prêts sans s'en rendre compte... Chacun à leur manière, tout en gaucherie ou en adresse, s’attache et s'attelle à raccorder la chose au support, l'objet au papier par la grâce de la forme et la teinte de l'aérosol. Il dépose la couleur, légère en postillons ou épaisse en tâches soudaines et grasses. Il recouvre le papier et ainsi dépouillé ou chargé, le résultat est là, élémentaire et brut. Et que chacune des créations soit nommée œuvre sans prétention.
Ci-dessous, voici une sélection, en gros plan, des œuvres La GEM "Le Soleil" (Groupement d'entraide mutuelle) réalisées le vendredi 20 août. L'image se passerait de mots et de discours aussi, la photo, mais j'aime le flot.
PAYSAGE ET PORTRAIT, OEUVRES "LA GEM LE SOLEIL" -
Les pores du papier recouvert, par les spores de peinture en spray, jouent de la lumière. D'imperfectibles grains en relief, sur lesquels l'ombre se projette, dansent irrégulières, denses la matière.
REGARD CROISÉ
Parmi les créations réalisées, voici l'une d'entre elle produite sur le moment, entre un adulte adhérent et moi-même ; c'est un collage spontané et une photographie improvisée ou le fruit hasardeux d'un enchaînement plastique et gestuel.
FAITS SUR LE TAS / FAIT SUR LE TARD
Les radiateurs, par trois - socles blancs et détachables, à l'affût dehors et allongés sur le sol attendent... Grégory, après quelques essais - couleurs et masques en chassé-croisés, veut des pochoirs en papier. Alors, d'un geste assuré, cutter empoigné, j'improvise des motifs épurés en découpe franche et serrée. Courbes et lignes bien en rang, herbes et feuilles tous en bande ; la plastique, bien qu'organique, s'accorde au support mécanique.
RÉSIDENCE : DERNIER JOUR
Le dénouement est proche, dernière journée de résidence... Est-ce le moment d'imaginer une touche, suprême, particulière ? Ai-je le temps de repousser les limites du mur, imaginaire ? Dois-je mettre un terme au chantier ou le laisser ouvert ?
OUVERTURE
L'oeil a su faire de son fond un liant, Pour capter en profondeur un plan, Celui du théâtre vivant.
FIGURES MUETTES
Quand les pochoirs deviennent des masques, Du coin de l'œil ils me regardent, Je les observe et reste sans voix...
FERTILE
Rien n'est figé, tout est mouvement et, en pensée, tout est vivant.
J'ai semé ici et là quelques graines, quelques histoires, De possibles chimères, des scènes imaginaires.
LUCARNE
Rétine aux aguets, à l'instant T, Sa membrane fine est dilatée. La voyez-vous ici cachée ?
PLANCHER
Bâtons, branches ou troncs aux lueurs changeantes. Certains y verront une forêt inquiétante, D'autres parviendront à y voir les saisons...
NŒUDS ET DÉNOUEMENT.
Images et mots.
Damier, carreaux,
Tête au carré,
Menton caché,
Nœuds épargnés,
Porte et poignée.
Chantier bloqué.
Loquets cassés.
Casse-tête achevé.
Tout est calé.
Bien épuré.
J'ai franchi le seuil de L'Enfant Soleil. J'ai pensé y mener une série d'ateliers, Mais j'ai réalisé un tout autre chantier. J'ai soigné le mur, j'ai pansé le blanc. J'ai scruté des pans, élaboré des plans.
Des idées jetées, des clichés archivés, J'ai réussi, je pense, à vous la partager, Cette nouvelle expérience, cette unique résidence,
Comblée et marquée, de bruit et de silence, d'absence et de présence.
SUITE & SANS FIN
Il y aurait tant à dire au sujet du projet de l'Enfant Soleil et du mur associé ; tant de sujets à couvrir et de pages à écrire, de quoi remplir les espaces restés vides ; tant de moments à partager avec eux ; tant de motifs et de couleurs à disperser dans les creux... Le temps imparti pour y parvenir touche à sa fin ; s'achève ici « Faire le mur » où commence l'ouverture sur L'Enfant Soleil. Merci