Les films de science-fiction connus sont principalement des récits de nouvelles technologies envahissantes, de conquête spatiales, de conflits... Avec la classe, nous tenterons de créer un film de science-fiction sans images de synthèse et en s'inspirant du quotidien de l'école et de la vie dans le Dévoluy. Le but étant d'écrire un récit qui nous fasse imaginer de nouveaux futurs, d'autres manières de vivre incluant le jeu, le sommeil, l’environnement qui nous entoure...
Une partie du film sera aussi inspirée du documentaire : je serai là pour suivre la classe dans ses activités et les filmer. Dans mon travail je pars souvent d'images simples et quotidiennes pour les décaler, et ici, en faire des activités futuristes.
Durant tout ce projet, nous nous demanderons quels éléments du présent peuvent nous donner matière à imaginer ?
Mon projet est motivé par l’envie de questionner avec les enfants leur vie comme une construction sociale, de comprendre que nos existences sont régies par des règles et normes qui ont un contexte, une histoires, d’élargir nos représentations mentales et visuelles à travers la création d’un récit où les normes et le contexte ne sont plus les mêmes. Nous passerons par des temps de réflexions collectives, de débat, d’imagination et des temps de mise en pratique (prises de vue, écriture de scénario et tournage) pour aboutir à un film court réalisé collectivement.
enjeux et aboutissements du projet en classe
Au cours de ce projet de création en classe j’aimerais me pencher sur la notion de travail, une notion commune, un mot très utilisé et lié à l’institution école. À travers des débats, des enquêtes, des histoires imaginaires, en utilisant des outils de la science-fiction et du cinéma nous essaierons ensemble de comprendre ce mot et ses implications mais aussi de le dépasser par l’imagination. Nous écrivons ensemble un film de science-fiction qui invente d’autres manière de travailler et donc d’autres manières d’être en lien avec le milieu dans lequel nous vivons. Ce processus aboutira à un film de science-fiction sous forme de DVD en grande partie réalisé par la classe.
Ce faisant, les enfants ont accès à toute la chaîne de production d’un film, de l’écriture à la diffusion.
temps de recherche et de création
Le temps de création avec la classe et le temps de recherche seront assez liés dans mon projet. D’un côté, je souhaite réaliser un court métrage de SF matérialisé sous la forme d’un DVD avec la classe et de l’autre, profiter de ce temps de recherche-création pour écrire et tourner un autre film, une fiction documentaire en utilisant des images tournées en classe (images documentaires sous condition de l’autorisation des parents et enseignant·e·s) et des images tournées avec les enfants (écrites et mises en scènes).
J’ai choisi de séparer les deux films car le deuxième film a un aspect plus documentaire, il a également une temporalité différente (montage, mixage dans un temps plus long) et est accompagné d’images tournées dans d’autres contextes (hors de la classe). Cependant les deux films se font écho à la manière de deux versions abordant un même sujet : comment des récits de science-fiction nous permettent d’imaginer d’autres activités, d’autres rapports au monde qui nous entoure.
origines du projet et liens avec mon travail
Issue d’une formation théorique et documentaire, je m’intéresse à comment une classe d’enfant peut envisager la notion de travail en lien avec tout le reste de la société. Il s’agit de voir comment les enfants s’emparent d’un sujet avec les outils qu’ils et elles possèdent : leurs imaginaires traversés par des motifs actuels (pollution, technologies, virus…) et par leurs vies quotidiennes (famille, territoire de vie, histoire). Mais aussi de voir comment l’imaginaire, le récit fictionnel peut nous permettre d’aller plus loin dans notre réflexion et nous ouvrir des portes pour comprendre le monde.
Ce projet est lié à la fois à mon expérience en tant qu’animatrice dans une association de séjours pour enfants (séjours qui promeuvent la vie dehors et qui développent des outils d’éducation populaire) et à la fois à mes recherches en tant qu’artiste : recherche de récits faisant de la place à des lieux non urbanisés, aux vivants non humains, aux rêves, au passé, au mystère ou encore à la magie.
Je travaille beaucoup à partir de lectures féministes et anthropologiques (Maud Simonet, Silvia Federici, Vinciane Despret, Donna Haraway, Nastassja Martin…). Mes inspirations cinématographiques sont diverses et variées, je m’intéresse aux réalisateur·rices qui mêlent le quotidien, le banal à des moments plus magiques comme T. Williams, J-P. Créton, aux films qui mêlent différents régimes d’images et niveaux de réalité : Les glaneurs et la glaneuse d’ A. Varda, In the name of Shéhérazade de N. Khalor, Les Mille et une nuits de M. Gomes ainsi qu’aux œuvres qui laissent la place à des personnages non humains ou non adultes ou n’utilisant pas la même « logique » que les adultes : le Moindre geste de J-P Daniel, F. Deligny et J. Manenti, Selfie, avoir 16 ans à Naples de A. Ferrente.
processus de création collectif
Je prête une attention particulière à la vie collective en classe (décisions communes, bilans d’ateliers, débats…) en essayant d’utiliser des outils de circulation de la parole et d’écoute. De la même manière, il est important pour moi que chaque enfant ait sa place dans la construction du film et du récit et que tout le monde puisse s’exprimer.
Pour cela je prévois :
- d’organiser régulièrement des moments d’échange et de bilans avec la classe.
- d’organiser des ateliers en petits et grands groupes
- de permettre à chaque enfant de trouver un rôle qui lui convient dans la réalisation du film
En plus de cela je mets en place une cabine dans la classe pour que les enfants aient la possibilité de s’exprimer face à la caméra en dehors des moments collectifs.
le film de science-fiction
Le cadre temporel nous permet de fabuler des histoires et d’ouvrir des possibles. Mon intérêt pour la science-fiction vient notamment de mes lectures d’Ursula K. Le Guin et Octavia Butler. Je pense aussi, avec la chercheuse D. Haraway, que les récits peuvent modifier la réalité ou du moins peuvent influer sur notre manière de comprendre le monde.
Je prévois de mettre en place un cadre imaginaire au projet avec la classe. L’idée de départ (qu’il me faut discuter et améliorer avec l’équipe enseignante) est d’organiser des moments en visio durant lesquels des alliés de ce projet jouent le rôle de scientifiques pour donner des missions à la classe.
Ces missions nous mènent aux différents ateliers : débats, inventions d’histoires, film. Le film que nous écrivons est inscrit dans des temps futurs. Ce récit commence par la question du travail, en imaginant une société où le travail serait totalement différent, étrange, inutile ou incompréhensible. Et les réponses que nous donnons permettent d’imaginer le reste de cette société.
Voici quelques exemples d’activités sciences-fictionnelles que j’ai imaginé :
* un monde où les rêves ont une incidence dans la réalité et où des postes de rêveur·euses seraient mis en place.
* certains jeux que les enfants connaissent pourraient être transposés et utilisés pour d’autres usages : pierre-feuille-ciseaux serait une manière de conclure des contrats et des négociations
* des salles de l’école pourraient aussi être décalées de leurs usages habituels : le préau comme un lieu d’entraînement à la télépathie et à la transplantation
*un poste de diplomatie animale pour s’occuper du trajet des fourmis
lien avec le territoire
J’aimerais notamment encourager les enfants à imaginer des activités en lien avec leurs environnements de vie : leur école, mais aussi l’environnement montagnard, faune et flore particulières, histoires. En effet, une grande partie de mon travail traite des liens existants entre des lieux et les êtres qui les habitent (j’ai réalisé plusieurs films et un mémoire à ce sujet).
Comme dans la Main gauche de la nuit d’Ursula K. Le Guin, la planète sur laquelle à lieu l’histoire (une planète extrêmement froide au climat glaciaire) conditionne une grande partie des mœurs et activités humaines.
Par le(s) artiste(s)