Les situations géographiques (éloignement), économiques (politiques d’import-export), sinon politiques, des territoires insulaires placent les îliens devant une forme de paradigme aux conséquences multiples. Ici, à la Réunion, s’initient des attitudes, des initiatives, des stratégies, des systèmes résilients qui aspirent à se substituer aux manques industriels. De nouveaux usages, de nouvelles formes d’économie et de partage s’y déploient singulièrement. Face à cela, le design parait être un outil d’analyse, d’expérimentation et d’adaptation. Il permet de questionner, à travers la création d’objets collectifs, ces nouvelles formes d’implication citoyenne par la revalorisation des ressources et des savoir-faire locaux. Dans une attitude pragmatique, il s’agit de placer le « faire » et l’action au centre du projet. A travers la revalorisation par le design, Schoolpower! est une invitation au faire ensemble dans une perspective de création collective et de réduction de la consommation. Le projet s’articulera autour de la recherche et l’action. Ces notions évolueront de pair tout au long de la résidence. Ainsi, convoquant la main, nous naviguerons entre faire, défaire, refaire.. et ainsi de suite.
« Le drame de l’objet de consommation est d’associer deux principes apparemment opposées et pourtant complémentaires, l’abondance et la pénurie. On a calculé qu’un individu regarde, croise, manipule… vingt à trente mille objets au cours d’une seule journée. Cette profusion d’objets s’associe à leur diversité intrinsèque due aux multiples combinaisons de matières, formes et couleurs possibles. Dans ces mutations infinies, on décèle néanmoins un certain appauvrissement de la substance signifiante de l’objet. D’aucuns diront, un vide qui suscite la mélancolie. Comment, alors qu’il est devenu trop évident, trop familier, trop docile, l’objet peut encore surprendre, amuser, étonner ? »
GUILLAUME Valérie, HEILBRUNN Benoit et PEYRICOT Olivier, L’ABCdaire du Design, Paris, Flammarion, 2003
Marquée par les transformations urbaines particulières à nos villes et témoin d’attitudes, de systèmes et de stratégies caractérisés par les situations de crise globales actuelles, ma démarche est basée sur le constat des changements radicaux vers lesquels la ville du 21ème siècle se dirige. Il me parait essentiel d’insérer la pratique du designer à un contexte social et économique réel.
Aujourd’hui, ce sont les territoires d’Outre-Mer que je souhaite convoquer, et plus particulièrement l’île de la Réunion. Ce territoire connu pour la diversité de ses paysages, sa biodiversité et l’extrême richesse de ses milieux, est un territoire considéré comme une entité biogéographique particulière. Il est aussi très représentatif du brassage planétaire, de tous les métissages et a une dimension historique et culturelle très forte.
Tout comme les autres DROM, la Réunion a développé une économie agricole forte
construite autour de la culture sucrière, de l’élevage, de la pêche et de la production de fruits exotiques. Sans oublier une activité artisanale singulière qui continue de faire de ce territoire un véritable puit de richesses. Ces territoires ont en commun des problématiques spécifiques identifiées:
_Cout de la vie élevée
_Inégalités sociales
_Fort taux de chômage
_Gestion des déchets (produits majoritairement par le tourisme et l’industrie sucrière)
Face à des transformations de mode de vie, d’habitation et de travail inadaptées à l’environnement dans lequel nous évoluons, les altérations notamment générées par une surconsommation indéniable, nécessitent un rééquilibrage qui ne peut se faire sans l’implication active des citoyens.
C’est dans ce contexte que se construit le projet « Schoolpower!». Initier sur un territoire donné, un laboratoire de projets collectifs et participatifs pour produire sous forme de prototypes réplicables, un ensemble d’outils nécessaires à la collectivité dans une transition écologique durable.
En partenariat avec les forces locales, et particulièrement les plus jeunes, il s’agit de s’unir et de mettre en place ensemble, des dispositifs alternatifs impliquant l’engagement collectif et favorisant l’appropriation et l’autonomisation citoyenne.
Ces axes de travail s’inscrivent dans mon projet personnel et associatif. Faire découvrir aux plus jeunes la nécessité du réemploi et de la réinvention par le prisme d’un design qui se voudrait plus ludique et accessible, me tient à coeur. Chaque objet produit sera singulier, porteur d’une histoire propre.
« C’est parce que l’usage et l’usager deviennent essentiels dans la nouvelle perspective d’emploi raisonnable des ressources et de réduction de la consommation à l’échelle planétaire que l’expérience cubaine de production industrielle vernaculaire peut montrer au design et au secteur industriel, comment des individus - sous la contrainte - ont sur oser cette alternative. »
Marie-Haute Caraës, directrice de la Recherche Cité du design, à propos de Rikimbili, une étude sur la désobéissance technologique et quelques formes de réinvention, Ernesto Oroza.
En tant que designer, je promeus un usage optimal des ressources locales notamment par un processus créatif alternatif. Les gestes et moyens mis en oeuvre dans ce processus seront scrupuleusement analysés et protocolisés dans l’idée de reproductibilité. Ce principe pourra être appuyé d’un catalogue, un guide ou un manuel écrit par et pour les élèves dans l’idée de permettre la continuité du projet après la résidence.
Dans un contexte d’économie circulaire et de protection environnementale, il s’agit aussi, durant le temps de la résidence, de sensibiliser les jeunes générations aux responsabilités civiques.
Dans une attitude pragmatique, le « faire » et l’action seront au centre du projet. Via la revalorisation par le design, Schoolpower! sera une invitation au faire soi-même, au faire ensemble dans une perpective de création collective et de réduction de la consommation. Les ressources inépuisables que constituent les déchets seront, dans mon projet, des enjeux centraux dans une perspective de création.
Par le(s) artiste(s)