Soufflez-moi vos pensées

L'idée de la première sculpture est de souffler une grande bulle de verre dans la cage thoracique d’un squelette de chevreuil. L’intention primordiale et réanimer quelque chose qui a perdu son anima (âme, souffle). Le projet présente quelques difficultés techniques que je développerai plus loin. Ici le « moule » que constitue le squelette fait sens. Il n’est plus outil, mais partie intégrante de l’oeuvre.

Pour la deuxième sculpture il ne s’agit plus de "redonner vie à" mais de "donner naissance". Avec une grosse quantité d’argile crue je veux créer une forme creuse réceptacle au verre en fusion de sorte à ce que la bulle soufflée évoque une lune. La terre crue travaillée grossièrement dans toute sa matérialité et ses aspérités renverra au relief lunaire. De plus certaines théories affirment que notre planète aurait éjecté une fraction de sa masse qui se serait finalement agglomérée pour donner naissance à la Lune. Je voudrais réutiliser l'argile servit à réaliser le moule pour modeler le "socle" de la lune, la forme évoquée serait un ventre de femme enceinte (autre "moule" qui donne vie)

Pourquoi le verre? L’histoire est longue. Il y a bien-sûr ses qualités plastiques, la transparence, le passage du visible à l’invisible. L’immanence de la lumière, le jeu des fantômes plus ou moins opaques qui jouent et circulent au gré du temps et des mouvements. Et surtout ce passage de la fusion à l’éternité, à l’illusoire permanence. Le magma artificiel devient une matière qui a l’ambition du minéral. Le verre dit "à chaud" a un rapport direct à la matière dans sa forme instable et proche du vivant. Une instantanéité telle qui contraste avec la temporalité de la formation des cristaux et autre cousines précieuses. On a accéléré la formation du «minéral», on est passé au temps artificiel. La Nature nous a laissé un rôle de choix pour être acteur, créateur.
Le mou danse , donne le tempo. Et finalement se suspend pour un temps redevenu géologique. Le verre est le choix du fou, de l’amoureux désespéré, de l’arrogant face à ce qu’on appelle réalité. Il est challenge, maîtrise physique, mentale et psychologique, challenge particulier pour le féminin. Son caractère et sa complexité nous oblige à être dédié, l’engagement est entier. L’engagement, pied-de-nez au survol de la connaissance. Support et reflet d’un puits à imaginaire, Cristallin, immanent ou opalescent il induit un monde à la frontière du non-visible. Enveloppe d’une présence, surface des contenants. Contenu du plein. Osons dire, matière de l’immatériel.
Le matériau en général pourrait être abordé comme étant un être vivant, il répond, a ses exigences, ses propriétés et ses lois. Il interagit et est une interface. Quand on est face au verre chaud ces qualités sont encore plus probantes. L’aspect formel du verre, comme la transparence et la légèreté peuvent renvoyer à l’air. Le soufflage comme procédé renvoie aussi à cet élément vital et primordial. Le souffle prend sens et devient sens. Ainsi le soufflage de verre relève pour moi d’une importance métaphorique, et comporte également des aspects physiques montrant de grandes possibilités.
La respiration est un principe inhérent du principe vivant. Faire appel à l’esprit de la matière à travers diverses mises en scène et stratagèmes...
«Pour faire l’homme, Dieu pétrit une masse d’argile extraite de la terre, et sur sa face, il souffla un souffle de vie et l’homme devient une âme vivante».Genèse 2,7
Dieu était donc un sculpteur…
Le verre est un formidable matériau pour faire appel aux différents éléments constituants notre environnement car il pourrait être air eau, feu, terre( sable) danger, tension, légèreté, immanence, surface et profondeur. Avec ces projets je me focalise sur l’élément air, le souffle et la respiration.