Mardi 2 mars, première journée d'atelier avec les vingt-cinq élèves de l'école de Villespy.
"Grammaire urbaine"... Lorsque j'écris au tableau le nom du projet que je leur propose de mener avec moi, quelques soupirs inquiets se font entendre. L'un de ces deux mots n'a pas trop la cote semble-t-il...
Pas de panique. Aucune session d'analyse grammaticale au programme de cette résidence. Juste un questionnement : comment raconter les sensations, émotions, et fictions que nous inspire notre environnement construit, fait de maisons, de rues et de places ?
Bon. Commençons par regarder quelques œuvres de peintres qui se sont posé la question avant nous. Piranèse, De Chirico, Viera Da Silva, Valadon, Feininger... Et si on essayait de faire un peu de tri et d'en parler ? Le figuratif à droite, l'abstrait à gauche : les villages par ici, les villes par là ; les décors de nuit ou de journée ; les scènes calmes et les scènes agitées...
Seulement voilà : toutes les images ne se laissent pas classer si facilement. Les débats sont animés ; un groupe prend même l'initiative de voter, ardoise à la main, pour pouvoir délibérer.
On se rend compte que les interprétations diffèrent, que la subjectivité intervient, que la limite entre le figuratif et l'abstrait est souvent floue... Et qu'il y a des quantités de manières possibles de raconter par le dessin ce que les villes et villages nous inspirent.
L'après-midi, place à la pratique. Quatre groupes d'élèves viennent successivement dans l'atelier. À chaque fois, un kit de formes peintes prédécoupées les attend. Objectif : imaginer ensemble un décor de ville ou de village, et le représenter en collant ces formes sur un fond blanc. À la fin de la journée, on se retrouve autour des quatre collages, représentant respectivement :
- un village au pied des montagnes, par un temps nuageux.
- une petite ville d'immeuble, avec un chemin de terre menant au moulin.
- un village au cœur de la nature, entre arbres, cascades et champs.
- une ville géométrique fantastique ; son usine, sa maison volante et son skate-park aérien.
Et, à y regarder de près, on remarque que les kits de formes colorées étaient les mêmes. Pourtant, les collages nous racontent des histoires très différentes. "C'est parce qu'on n'a pas collé les formes aux mêmes endroits !" Ça parait un peu évident, non ? C'est ce qu'on appelle composer une image : agencer des formes et des couleurs sur l'espace d'une feuille pour exprimer quelque chose. Composer, c'est comme raconter : voilà ce qui va être au cœur de nos prochaines expérimentations !