Marin, dans la cour de l'école.

7 mois plus tard... Retour à l'école et premiers ateliers d'octobre.

Publié par Pierre-Philippe Toufektchan

Photographie Sociologie Documentaire

Le vendredi 13 mars 2020, l'école d'Adriers a fermé son portail. Les enfants, les enseignants et tout le monde est rentré chez-soi. On connaît l'histoire qui s'est narré pas la suite, improvisée.

Aujourd'hui, nous sommes en octobre 2020. Depuis le début du mois, j'ai pu faire mon retour à l'école d'Adriers et retrouver les scolaires et l'équipe de l'école. J'ai rencontré les nouveaux CE1, adapter ma logistique et mon rythme de production, ainsi que le contenu des prochains ateliers - surtout grâce à ce long temps de recueil.

Mais avant l'interruption de la résidence, j'ai pu faire un dernier atelier avec les enfants en mars - comme une fin de première partie et une introduction à la seconde.

Jeudi 12 et Vendredi 13 Mars 2020

Ces deux derniers jours d'atelier furent ceux qui précédèrent la fermeture nationale des écoles, puis la longue pause due au confinement. Je suis revenu voir la classe environ une semaine après la rentrée des vacances d'hiver. Il y avait beaucoup d'attente de la part des enfants, car j'avais les images des appareils jetables avec moi. Ils pouvaient enfin voir leurs photos, après deux longues semaines d'attente !

Durant ces ateliers, nous avons organisé une projection générale de toutes les photos et nous avons procédé à une forme d'analyse d'image collective, expressive et très optimiste. Pour rappel ; chaque scolaire avait son propre appareil, avec une pellicule couleur de 27 images. Et deux jours de prise de vues, à la maison et en dehors de l'école.

Des photographies d'animaux de compagnie et de la ferme, des images de chambre, de la famille, de la maison et du jardin, quelques autoportraits dans le miroir. Au matin, tôt avant de partir à l'école, comme le soir à la maison juste après avoir passé une journée entière à l'école. Que ce soit des photographies d'un élève de CE1 ou de CM2, il n'y avait pas de comparaison technique ou d'évaluation. On écoutait les histoires de chacun. Chaque image était narrée par son auteur, en une phrase comme parfois avec une explication plus explicite. À l'exception évidente des photographies toutes noires, totalement floues avec le doigt devant l'objectif - ce qui est arrivé à tout le monde.

Durant l'atelier, nous avons sélectionné tous ensemble nos images préférées. Cette sélection ira compléter une édition qui sera composée des différentes productions des ateliers, dont ces images aux jetables.

Lorsque l'atelier s'est terminé, j'ai rejoint la classe entière, et nous nous sommes tous dit au revoir - un peu comme un soir de vacances. Ce qu'on pensait être une pause de 14 jours, fut finalement prolongée et mon retour en classe ne s'est profilé qu'en octobre 2020.

Quelques photographies réalisées par les scolaires, avec des appareils jetables - Février/Mars 2020

Mercredi 7 et Vendredi 9 Octobre 2020

7 mois plus tard... Me voici de retour à l'école François Albert à Adriers. Je reprends la route avec Amandine, la directrice de l'école et nous discutons dans la voiture, durant le voyage. Le sentiment que j'ai est particulier. Je me rends compte qu'une demi-année vient de scinder le dernier atelier et celui que je vais faire aujourd'hui. Mais, j'ai comme l'impression que c'était hier.

J'arrive à l'école, je retrouve Caroline, l'enseignante de la classe et je remarque que la peinture de la classe a changé - on passe de l'orange vif à une teinte pastel et crème. On échange avec les exactes mêmes habitudes qu'il y a plusieurs mois. Je me rends évidemment compte que les anciens CM2 ne sont désormais plus là. Il y a aussi de nouveaux CE1, que j'avais rapidement rencontrés l'année dernière dans leur précédente classe de CP.

Ce mercredi 7 octobre, je viens surtout pour faire une sorte de reprise de contact avec l'école et les scolaires. Je n'interviens que la matinée, donc c'est une première petite journée. On fait une sorte de résumé, de bilan des ateliers de l'année dernière. On échange longuement autour de nos expériences, des points-clés abordés ensemble en février et en mars. Je remarque qu'ils sont resté dans cette même énergie, cette curiosité et je ressens une certaine impatience de leur part à vouloir expérimenter.

Ainsi, deux jours plus tard le vendredi 9 octobre, nous avons passé une journée entière ensemble. J'ai travaillé avec les CE le matin et les CM l'après-midi. Tout d'abord, nous avons regardé les images réalisées auparavant : les photos prises avec les jetables, les portraits carrés au moyen-format. Après cette rafraichissante lecture, nous avons pris un temps pour discuter de mon projet personnel, lié à ma résidence et mes interventions à Adriers. Nous avons parlé des futurs portraits de familles, à la maison. Les enfants ont parlé de leurs habitudes, leur routine une fois rentrés de l'école ou en dehors du rythme scolaire, comme le week-end par exemple. Quasiment tous ont détaillé la décoration de leur chambre, leur espace personnel et l'environnement dans lequel ils jouent, travaillent, se reposent, réfléchissent et errent. La plupart du temps en famille, entre frères et soeurs ou avec les parents. Quelquefois seuls.

Enfin, nous avons démarré une activité plus pratique et nous avons fait un peu de photographie, en groupe. J'ai amené mon appareil photo grand format, c'est une chambre à l'ancienne et rien que l'objet fascine déjà les élèves. Après une brève présentation de l'objet, j'ai tout de suite proposé aux scolaires de faire des groupes et de réaliser des Polaroids ensemble. Évidemment, l'activité est devenue très ludique et effervescente. Nous avons pu faire des Polaroids en grand format, donc c'est comme si nous avions tout de suite des petits tirages de lecture de nos photographies. La légèreté de la pratique en groupe s'est mêlée à une rigueur technique, liée à au matériel et aux nombres limités des Polaroids que j'avais (une dizaine pour toute la journée). La prise de vue devait être appliquée pour éviter un résultat flou, des yeux fermés ou une exposition de la lumière trop sombre ou lumineuse. Finalement, nous n'avons eu que des images réussies. En bonus, voir le Polaroid apparaître à peine deux minutes après la prise de vues, c'est toujours surprenant et magique pour les enfants.

La prochaine fois que je vais venir en classe, nous ferons un atelier entièrement pratique et totalement dans cette dynamique de production, de groupe et de mouvement. Les enfants sont évidemment impatients.

Polaroids grand format, capturés durant l'atelier du 9 octobre

Jeudi 15 Octobre 2020

Une semaine plus tard, me voici de retour à Adriers pour une nouvelle journée avec la classe entière. Matin les CE et l'après-midi les CM. Je divise la classe car c'est un atelier assez technique et c'est toujours plus simple d'être en groupe réduit pour que personne ne s'ennuie et que nous puissions tous avoir une tache à faire.

Nous allons passer l'atelier entier à prendre des photos, et pour être encore plus précis : nous allons faire des portraits de type studio ! J'ai pu installer de l'éclairage avant que les enfants arrivent et j'ai préparé tout un dispositif pour que nous puissions travailler aisément et surtout comprendre ce que nous sommes en train de réaliser.

Le principe d'aujourd'hui sera simple : nous allons former des groupes de 4 (5, avec moi qui supervise le tout) et nous allons constituer une équipe de shooting studio. Et, surtout, tous vont tourner et changer de rôle pour tout l'atelier. Cela se présente ainsi : 1 modèle, 1 assistant-photographe, 1 assistant à la lumière et 1 photographe de plateau, équipé d'un jetable noir & blanc. Tout le monde va passer dans chaque branche de la prise de vues. Le modèle va se situer correctement sur les marques au sol et poser, en suivant les directives du photographe et en proposant une pose. L'assistant-photographe sera celle ou celui qui va m'aider à utiliser la chambre argentique, en m'amenant les pellicule, en regardant le cadrage et en dirigeant le modèle. L'assistant à la lumière est responsable du réflecteur circulaire - un outil qui sert à déboucher les ombres du visage du modèle et il faut s'adapter différemment à chaque modèle, donc c'est un outil plutôt mobile à chaque photo. Enfin, j'ai ramené un appareil jetable noir & blanc, et il y a un ou une photographe qui prendra 3 photographies maximum (car 27 images sur la pellicule et il faut que tous puissent l'utiliser) du plateau et fera une sorte de making-of de l'atelier, à sa manière.

Séléction d'images prises par les scolaires, durant l'atelier.

Une fois l'équipe composée, nous pouvons enfin démarrer la prise de vue. On travaille de manière organisée et j'accentue le côté jeu de rôles de cet exercice, pour ne pas perdre l'énergie que les enfants ont. Surtout qu'ils prennent leur rôle très à coeur. Nous allons principalement faire des photographies en noir & blanc avec la chambre, mais il y a aussi une pellicule en couleurs, si certains préfèrent avoir leurs portraits avec des nuances plus saturées.

On avance de manière efficace et le temps défile très vite. Nous nous rendons tous compte que faire ne serait-ce qu'une photographie à la chambre argentique, c'est beaucoup de travail et de précision. On commence avec le ou la modèle, qui se place sur les marques et propose sa pose. L'assistant(e) photographe en discute avec le sujet. Une fois la pause établie, l'assistant(e) et moi-même regardent le cadrage et la composition, en essayant d'ajuster s'il le faut. Enfin, la personne qui gère le réflecteur examine les ombres sur le visage du/de du modèle et se déplace en fonction de mes indications, si besoin. Pendant toute cette dynamique d'équipe, la/la photographe de plateau capture des bribes de cette expérience. Quand tout est correct, je fais la netteté (car c'est un peu trop complexe pour un oeil néophyte) et mon assistant(e) m'amène la pellicule. La photo est dans la boîte. Je range la pellicule et les élèves se retrouvent pour décider du changement de poste.

C'est dans cette logistique que je continue la journée et je termine avec les derniers CM2. Les images seront montrées lors du prochain atelier, soit à la rentrée des vacances de la Toussaint. Ce ne sont pas des Polaroids, donc ils vont pouvoir admirer des photographies prises à la chambre pour la première fois. Le comble, c'est que ce sera des portraits signés de leur part, collective.

Quelques portraits réalisés en groupe

La prochaine fois, je reviens avec ces images pour les regarder et les commenter - mais surtout : nous allons aborder la technique du développement des pellicules. Avec une technique plutôt originale...

à suivre en novembre, donc !