Territoire de l'île "Terra incognita"

L'île, notre terrain de jeu

Publié par Kelly Molon

Journal du projet
Arts visuels Installation Sociologie Arts plastiques, édition, sculpture, architecture, photographie

L’île, notre terrain de jeu 

Ma démarche s’inscrit dans une « tentative »*, au sens de Fernand Deligny. C’est-à-dire que nous essayons, nous testons, nous cherchons à vivre et à créer sans notice, avec l’intention d’imaginer et de proposer un espace éducatif « autre » que celui de l’école. Elle constitue également un « terrain de jeu » dans le sens où elle accueille l’expérimentation, la création, l’imagination, les projections, les tests, les discussions et l’erreur qui n’en serait pas une.

* « Une tentative n’est pas une institution en ce sens que la tentative est un petit ensemble, un petit réseau très souple qui se trame dans la réalité comme elle est, dans les circonstances comme elles sont, allant même à la rencontre d’événements assez rares qui ne peuvent pas être créés arbitrairement. »
La « tentative » des Cévennes, Deligny et la question de l’institution, Igor Krtolica dans Chimères 2010/1 (N° 72)

Espace clos isolé au milieu de l’océan, objet géographique imaginaire par excellence, l’île a déjà fait couler beaucoup d’encre et constitue le support d’une multitude de légendes, de mythes et d’histoires. 

Si j’ai pris l’île comme angle d’approche pour créer une forme de vie dans ce projet, c’est pour proposer aux élèves un voyage vers un espace « autre ».
Ce déplacement est joué par l’île imaginaire et le fait qu’elle constitue une capsule lointaine, souvent non localisée. À l’écart, loin de toute forme de civilisation familière, souvent perçue comme hostile et mystérieuse dans l’inconscient collectif, elle demande donc à tout imaginer, à tout construire. Telle une oasis, un havre de paix qui n’aurait pas subi quelconques pressions extérieures, je pense que l’île propose un espace mental souple et malléable sur lequel l’enfant peut jouer et créer ses propres règles.

Dessus tout est possible, elle accueille nos fantasmes. Véritable porte-parole du rêve, elle permet un détachement mental, peut-être même physique, de l’espace scolaire, permettant aux élèves d’imaginer des formes au-delà des représentations structurées de l’école qu’ils infusent depuis leur plus jeune âge. 

Pensée comme une expérience, elle constitue ici un laboratoire d’étude sur les constructions sociales à l’échelle d’un microcosme utopique. Dedans, les enfants essayent de proposer un espace éducatif dans lequel ils s’épanouiraient en collectivité. 

Pourquoi dans la forêt ? 

Situé à proximité de l’école, j’ai choisi d’établir nos moments de travail et de recherche dans un espace naturel. Lieu mystique et partiellement sauvage, la forêt suscite le besoin d’explorer un milieu inconnu. Tels les héros de L’île mystérieuse de Jules Verne (1875) qui découvrent et survivent sur ce petit bout de terre, nous sommes dans une disposition où notre sensibilité est décuplée, notre imagination stimulée, cherchant à développer le potentiel de notre environnement. En ce sens, paradoxalement, l’île réveille notre imaginaire par son caractère limitant. C’est parce qu’elle évoque un territoire plus ou moins petit, perdu au milieu de l’eau, qui n’est pas rattaché à d’autres territoires, où les infrastructures manquent, qu’elle suscite la création.