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Les camions sont tous beaux à crever

Publié par Mathilde Garcia-Sanz

Journal du projet
Littérature Poésie

Nogaro, ville route, ville artère, disposée à n’être que traversée.

Le premier jour j’étais venue en voiture, cap plein Est, le soleil au ras du pare-soleil : plein les yeux. Bien sûr, j’écoutais Nougaro.

Un café. Pas de charme évident. Je regardais passer les camions depuis la terrasse du Progrès et notais leurs noms : DIANTHUS - SCANIA - CODOGNOTTO - DILMEX - GABORIT - TRAZIT - GEODES. Au bistrot il y avait des groupes de vieux et des groupes de jeunes, ils ne se mélangeaient pas mais ils se voyaient.

Aujourd’hui je suis venue en voiture, le soleil s’est levé trop tôt pour m’éblouir mais il s’est approché, et j’ai chaud. Je suis venue voir le Championnat de France de Camions de course. Parce que c’est ce qu’il y a de remarquable ici, le circuit automobile. Parfois, surtout les journées réservées aux motos, nous entendions les moteurs depuis l’école. Les pilotes de la région disent « je vais tourner à Nogaro ». Il y a aussi une école de la performance, ça m’aurait plu d’y aller, peut-être une prochaine fois.

Aujourd’hui je suis venue voir le Championnat de France de Camions de course, alors la boucle est bouclée, le circuit fermé. Des milliers de camping-cars ont envahi les champs, il y a des tentes, des piscines gonflables, des barbecues. Sur le paddock les équipes préparent les camions. J’achète un sandwich aux fritons. Ma voisine porte un chapeau parasol. Un chien brun me bave sur les cuisses. Au micro, le speaker signale la disparition d’un épagneul avec un collier vert. Oui. C’est ce chien là.

J’aime bien les camions. Normalement j’aime surtout les camions de l’Atlas, les vieux Berliet pleins à craquer qui titillent les précipices au sommet des cols désertiques. Mais maintenant que le départ a été donné, j’aime aussi les camions de course qui me pètent les oreilles et me remplissent les narines de gaz d’échappement de moteurs diesel.

Je croise plusieurs élèves. C’est drôle, dans ce contexte on se fait la bise, on bavarde à propos des courses, on déplore l’absence de crash. Au fond on vient pour ça.

En fin de journée, je retourne m’attabler au Progrès pour profiter de la parade. 226 camions défilent devant nous en klaxonnant pendant plus d’une heure. Enfin, ils s’arrêtent au milieu de la route. On peut aller les regarder de plus près et voter pour son camion préféré. Je vote pour le Shakira. C’est l’un des plus vulgaires, il est rouge et à l’intérieur, au-dessus des sièges brodés en cuir crème, un écran diffuse le clip de Hips don’t lie. Dans la rue, il y a une ambiance pas possible, des musiciens entament Allumer le feu, tout le monde se saoule au pastis et semble très heureux. Vers 22h le cortège redémarre en klaxonnant. Chacun a sa propre tessiture et les décibels sont excessifs. Les chauffeurs font ronfler les moteurs. La rue, les gens, les enfants, tout disparaît dans un brouillard noir.

On éprouve un plaisir euphorique à fêter comme ça le fléau du siècle. Les camions sont tous beaux à crever.

 

 

 

Grand Prix Camion
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Shakira a gagné le premier prix du Festi'Truck