Dis-Parades (c) Louise Guerre (2022)

r e c h e r c h e s_1 _ "du bruit des bolides, au silence de l'usine"

Publié par Louise Guerre

Journal du projet
Arts plastiques Installation Sculpture Photographie, Vidéo

De ces bécanes bruyantes.
Tout en acier.
Qui frappent les cartons percés.
La machine s'emballe.
L'orgue de barbarie bien huilé.

- Sound Pressure Level 

 

"010101" [collages_recherches_2022]

_P o i n t  d e  d é p a r t _

Usine Storme _ Mars 2022

_Du bruit des usines de dentelle, tellement puissant (qu’interdites de fonctionner la nuit).
La machine frappe tellement fort qu’on l’entend depuis la rue
De ces machines, les métiers à tisser "Leavers".
Les premières à reproduire de façon mécanique, le geste précis de la main des dentellières.
Un geste minutieux, des savoir-faire demandant une dextérité acquise et transmise par des femmes dès l'enfance. Avec la mécanisation de la fabrication en usine, les femmes occuperont le poste de « raccommodage » pour pouvoir poursuivre le travail à la maison
_De la main -d’hommes virils- issus du milieu ouvrier.
La main bricoleuse qui derrière la porte de son garage vient reproduire en bidouillant les gestes des machines industrielles

Imiter la "sortie d’usine"
Quand l’usine elle-même tend plutôt à sortir, et à disparaître.
Tout en silence.

Que reste-t-il ? 
Reste la parade, la fête.
La communauté soudée, autour d’une passion.
Reste l’expression des individualités délaissées, qui s’opère dans une jouissance collective, pendant ces grands rassemblements.

Les moteurs pétaradent, le bruit du bolide gronde face au silence des usines.

_D r i f t_

" Le tuning permet de maintenir l’interconnaissance locale sans l’usine en supportant des valeurs réputées caractéristiques du monde ouvrier dont l’égalitarisme, l’intelligence pratique et l’oralité comme support de l’autochtonie"_c i t a t i o n _ 

 

"un mariage ouvrie" [collages_recherches_2022]

_D é v i a t i o n _

Centre de documentation_ Cité internationale de la dentelle à Calais _ Avril 2022

Les patrons offraient aux ouvrières se mariant, des morceaux de dentelles.
À la fois pour façonner leur robe, leur trousseau de mariée, mais aussi pour ornementer les véhicules.
Dans le Nord, il est coutume dans les mariages ouvriers de parader longtemps dans la ville en klaxonnant.


De faire du bruit. 
Parader. 
Sillonner la ville en creux
Se montrer. Fierté.

 

_ S t a t i o n n e m e n t _

e n  d o u b l e   f i l 

Alors,
La voiture du tuner, sa muse "pimpée", viendrait se parer de cette matière précieuse et rare. Spécifique à un territoire (ici, le Pas-de-Calais).
La dentelle. 
Précieuse, composée de noeuds aux assemblages complexes. Puritaine ou érotique. Elle incarne de façon allégorique l’expansion industrielle d’une ville (Calais), l’économie d’une région, mais aussi son déclin au profit de la délocalisation industrielle et du capitalisme. 

Le "tuning".
Comme une pratique qui entretient donc un rapport fissuré avec la mondialisation. Comme l’enfant non-désiré et méprisé, mais pourtant engendré par celle-ci. 
Issu d’un abandon, du déni prolétaire. Il résonne depuis ces espaces en marge -milieux péri-urbains, ou ruraux- en s’appropriant de façon singulière et créative ces objets issus d’une production industrielle en série. Des bagnoles.2

Il avale digère et recrache ces objets standardisés, usinés.

Il rappelle l’importance de la communauté, de la team.

De son objet -ces bolides flamboyant- émane une fierté ouvrière -du savoir faire de la main- individuelle et collective. Face à l’automatisation des savoirs et du rendemen. Il exprime un idéal, qu’il soit esthétique et technique, et questionne de façon grinçante la dimension du "beau", il dérange le "bon goût". Dans une forme de kitch, détaché et décomplexé et d’une forme de bienséance, on peut entendre derrière le bruit du moteur : j’existe

Ici, on tune, comme on s’accorde entre soi mais en dissonance avec le reste du monde. On crée le bourdonnement qui gronde -comme un larsen.

 

"du bruit des bolides au silence de l'usine" [collages_recherches_2022]

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1. 
Darras, Éric. « Un lieu de mémoire ouvrière : le tuning », Sociologie de l'Art, vol. ps21, no. 3, 2012, pp. 85-109.
2. Un des premiers gestes courant du tuner est d’enlever le logo de son véhicule.