Danse contemporaine et architecture. Ce projet interroge la manière dont le dispositif de l’escalier engage le corps dans l’action, le mouvement et l’événement. Les escaliers de l’établissement et de son territoire seront le siège de cette recherche et de la création d’une pièce chorégraphique pour escalier, dont les élèves seront amenés à construire un chapitre. Les dynamiques du déplacement, en montée et descente de l’escalier, seront explorées dans leur qualité à initier le mouvement dansé. La mise en relation du corps avec l’espace, offerte par la configuration de chaque escalier, sera support de situations, moteur d’actions et porteur d’imaginaires.
Ce projet interroge la manière dont le dispositif spatial de l’escalier engage le corps dans l’action ; action en tant que geste-mouvement et récit-événement. Il a pour objet la création d’une pièce chorégraphique pour escalier et pour outil l’élaboration d’un livret d’étude danse-architecture. Le désir de travailler corporellement dans l’escalier me poursuit depuis mon projet de fin d’études à l’ENSA Paris-Malaquais. Le mur, le sol et l’escalier, composants élémentaires de toute architecture, étaient interrogés dans leur potentiel d’éveil des sens, leur qualité à engager le corps dans le mouvement et à le placer en situation d’action-interaction avec son environnement (surplomber, traverser, s’éloigner, etc.). Aussi, cette question de l’influence des espaces sur la mobilité du corps et son engagement poétique perdure dans mon travail de danseuse. Cherchant à lier un dispositif spatial à une écriture chorégraphique, j’ai exploré les typologies de la cour et du couloir, dans le cadre d’ateliers vidéos-danse au Centre Paris Anim’ Pôle Simon Lefranc. Aujourd’hui, je souhaite placer cette réflexion au cœur de l’élaboration d’une pièce chorégraphique. Création en cours me semble être opportun pour structurer cette recherche et aboutir à une forme. L’escalier est un motif qui m’intéresse, avant tout pour son dimensionnement à l’échelle du corps en déplacement, la marche. Outre ses diverses configurations possibles, l’escalier est constitué d’une succession de marches, calibrées sur le module du pas. Par la mesure et la régularité des marches d’escalier, le déplacement s’effectue dans un flux continu et s’en trouve accompagné. Mais sur les marches, ces portions de sol, effectuer d’autres actions s’avère plus périlleux. Aussi, la montée et la descente de l’escalier engagent le corps dans des dynamiques et des états de tonicité différents : tandis que la montée adjoint un effort physique, la descente entraine un élan. Les muscles sont sollicités pour gravir ou freiner, pour s’extraire de la gravité ou retenir le corps de la chute. Monter et descendre l’escalier composent un jeu d’alternance entre contraction et détente, suspension et poids, élévation et chute. Ces états physiques constituent la base de tout mouvement et sont ici amplifiés par le dispositif de l’escalier. De plus, en associant haut et bas, avant et arrière, proche et lointain, mur et sol, l’escalier permet la rencontre entre des mouvements verticaux et horizontaux, vecteurs des actions de la marche, du tour, du saut, de la chute. Dans le cadre de cette résidence, j’envisage alors l’escalier comme lieu d’exploration et de composition du mouvement dansé. Je souhaite y mettre mon corps « à l’épreuve », pour questionner ce qui facilite ou ce qui contraint le mouvement, pour tester les modulations et adaptations du corps. Au rythme des marches, l’escalier pourra être le siège de transformations, de transition d’un état à un autre. L’escalier m’intéresse également pour ce qu’il structure entre l’espace, soi et les autres, et pour les récits qu’il convoque. Ce dispositif identifiable, emprunté et éprouvé par tous, présent à toutes les échelles (l’habitat, l’équipement, la ville), se décline en de multiples configurations possibles et peut endosser différentes fonctions. Au-delà de relier deux niveaux, il structure différentes relations à l’environnement et à autrui : il peut établir des relations de pouvoir, de distance ou de proximité, de rencontre ou d’évitement. Et différentes situations constituent le moteur de l’ascension ou de la descente : la peur, la fuite, la quête, l’attente, la rêverie, la découverte. Aussi, de manière tant physique que métaphorique, l’escalier par son relief s’apparente à une montagne : l’espace s’ouvre et se déploie devant soi en descente, l’espace s’érige et se clôt face à soi en montée. La symbolique de la montagne revêt alors autant d’exaltation que de vertige, d’appréhension du risque que de dépassement de soi. Ces états émotionnels qualifient, rythment, teintent les trajets, et nuancent les états physiques précités. C’est alors l’action en tant que geste-mouvement et récit-événement que je souhaite travailler dans l’escalier. Pour identifier les situations et les imaginaires liés à l’usage des escaliers, et pour explorer corporellement ces différents états, la recherche s’étendra aux diverses formes et configurations des escaliers présents dans l’établissement d’accueil et sur son territoire environnant. L’avancement du projet sera ainsi perceptible, au quotidien, des usagers du lieu, les élèves, leurs enseignants et l’équipe de l’établissement scolaire. La question du format de la création se posera alors : un escalier ou des escaliers ? Sera-t-il plus pertinent de faire le choix d’une série en différents escaliers (un escalier, un imaginaire, une scène) ou d’élaborer une méthode d’adaptation ? Il faudra s’interroger sur ce qu’il peut y avoir de commun aux différents escaliers, ce qui peut être décliné dans l’écriture chorégraphique, et ce que peut produire le décalage d’une action en d’autres lieux. Aussi, les élèves-partenaires seront amenés à construire et interpréter un chapitre de la pièce. Leur participation me permettra d’identifier deux formes - solo et groupe, et de convoquer plusieurs états liés à ces deux configurations. Au sentiment de solitude, à la rêverie, l’attente, la fuite, à explorer dans le format solo, pourront s’ajouter la rencontre, l’interaction, l’évitement ou l’indifférence, possibles avec le format groupe. Celui-ci pourra contraster avec le format solo, et apporter une complexité spatiale. Enfin, cette résidence n’est pas seulement l’occasion pour les élèves de découvrir un processus de création, il s’agit surtout pour moi de questionner l’intérêt de ma recherche et la qualité de ma production.
Val-de-Marne
Par le(s) artiste(s)