Et si l’heure de la sieste était en fait un moment propice à la création ? Dans un monde où tout est optimisé, la sieste est devenue un acte de résistante. Je propose pour la résidence Création en Cours d’analyser avec les enfants ce qui compose le moment de sommeil pendant la sieste, et de créer des histoires rocambolesques à partir de ce que l’on a trouvé, afin d’élaborer une petite collection de "livres rêves". Armés d’un carnet de bord, les siestonautes imagineront des histoires de siestes, partiront à l’aventure du sommeil ! Comment se dessine-t-on les yeux fermés ? A quoi ressemble le lieu idéal pour une sieste ? de quelle couleur te sens-tu après un petit somme ? A quoi rêve t-on ? Ce travail d’écriture et d’illustration proposera une imagerie de leur propre sommeil, moment magique de déambulation intérieure, de liberté d’expression, où les idées se mélangent pour former des histoires inattendues.
Aimez-vous faire la sieste ? Quels sentiments vous procure et-elle ? Vous rend t-elle mou ? Vous remplit-elle d’énergie ? Êtes-vous un siesteur qui ronfle, qui bave, qui se réveille au moindre frémissement du monde ? Mais surtout : vous souvenez-vous de vos rêves ? Imaginez que la sieste est une croisière, et que les paupières sont des couvertures du monde extérieur… alors, que se passe t-il à l’intérieur ? Il faut le demander aux enfants ! Certains rejettent ce moment infantilisant, d’autres avouent qu’elle leur manque, mais tous se rappellent de moments de leurs propres siestes, ou celles de proches s’y laissant aller, sous le soleil, à table… pratiquant ce qui s’appelle, au Japon, le Inemuri, signifiant « dormir alors que l’on est présent ».
Selon les endroits et les époques, la sieste à une place plus au moins spécifique : dans l'Egypte antique les rêves étaient particulièrement étudiés et étaient analysés comme sacrés et prémonitoire ! Aujourd'hui, en Espagne on dort deux heures à midi, à la table de la reine d’Angleterre il peut être mal perçu de piquer un somme, à la NASA il est recommandé de faire vingt minutes de sieste chaque jour afin de stimuler sa mémoire. En France, malgré le fait que quelques bars à siestes ont ouvert dans la capitale, elle reste réservée aux tout-petits ou aux personnes âgées. À l’école, le sujet de la sieste reste un débat : elle est tolérée pendant la maternelle, puis elle disparaît.
J’ai imaginé pour la résidence Création en cours d’embarquer avec les enfants vers une rencontre poétique entre nous et le sommeil de pleine journée. Il ne s’agit pas là de ne rien faire ! La sieste est un travail sérieux, demandez à Dali qui, assis sur sa chaise une cuiller à la main, se laissait s’endormir jusqu’à lâcher son ustensile dans un plat minutieusement placé juste sous son bras, et, sous le réveil en tintamarre de l’objet sur le récipient se ruait sur sa table à dessin afin de retranscrire les brides de rêves que son cerveau avait bien voulu fabriquer pendant cet infime moment de perdition. Nombreux sont les artistes qui ont travaillé d’après le souvenir de leurs rêves, sur leurs sensations, créant des scénarios loufoques mais touchants, les rendants témoins de scènes fantastiques.
Ma démarche créative personnelle questionne la frontière entre le réel et l’abstrait en faisant apparaître par le dessin, l’écriture ou la sculpture des idées improbables, spontanées, un miroir du comique caché de notre réalité, avec une portée naïve et philosophique. Ce projet de sieste en est une démonstration : comment rendre compte d’un moment où l’on est censé être ailleurs, emporté par la vague du sommeil ? Peut-être que, avec les enfants nous nous transformerons en marchand de sable… nous ferons premièrement appel à tout l’environnement de la sieste pour embarquer sereinement dans ce projet, par des ateliers créatifs : préparer par le dessin l’endroit où on veut la faire, après quel repas… Quels sont les visages que l’on va faire pendant nos rêves ? va t-on sourire ? grimacer ? A quoi ressemble t-on au réveil ? Nous pourrons aussi discuter autour des ustensiles de la sieste, fabriquer des sculptures de veilleuses ou peindre à quoi on à envie de rêver sur des taies d’oreillers … puis, dans un deuxième temps, il sera l’heure d’imaginer tout ce qui se passe entre l’endormissement et le réveil… place aux rêves !
Cette partie de la résidence, plus dense et longue, se concentrera sur le rêve. Celui que l’on fait pendant la sieste est composé de trois paramètres : il est en lien avec des choses que l’on a vu ou entendu pendant la journée en cours, il est court ou long selon le temps de sommeil profond, et il est souvent arrêté en plein milieu : on se fait réveiller par une porte qui claque, ou par une envie pressante. Je propose d’organiser des « siestes dirigées » grâce à ces trois composants afin que les enfants créent des petites éditions de « siestonautes », explorateurs du sommeil. Voici comment cela pourrait se passer, sachant qu’il existe trois formes de siestes : la micro sieste de cinq minutes, la sieste éclair de vingt minutes, et la sieste dite « royale » d’une heure. Nous organiserons des minis ateliers de création de rêves suivant ces timings : nous y créerons des histoires rocambolesques et spontanées. Mais comment seront imaginées ces histoires, étant donné que nous ne dormirons pas vraiment ? Allongés, je présenterai trois éléments à rêver, par exemple : une petite vidéo de la lune qui tourne, un bout de gruyère et un bruit de klaxon (ou un mot, une odeur ou quelque chose qu’ils auront eux proposé). Puis, à eux de créer un rêve ! Ce moment de création serait un moment décomplexant, avec pour méthode de travailler avec le hasard et l’immédiateté, voir le mime. Ces ateliers pourront s’effectuer en classe mais aussi à l’extérieur (la sieste se fait n’importe où n’est-ce-pas ?) et l’environnement, les sons influeront sur les rêves à créer (ainsi que sur les matériaux utilisés). Dans une médiathèque ou dans un musée, les rêves ne sont pas les mêmes. Ce travail d’écriture et d’illustration pourra être retravaillé calmement par la suite, afin d’étoffer leurs petites éditions. En se remémorant un rêve, on invente un peu, on lui donne un cadre. Ces histoires seront des portes sur l’acte de créer, sur le processus d’imagination. S’imaginer dormir est une introduction à une pensée philosophique, par mon travail je cherche à souffler un état d’esprit qui laisse songeur.
Réaliser ce projet de sommeil éveillé avec les enfants est une façon de les sensibiliser à leur imaginaire inconscient et de leur montrer que leur pouvoir de création peut s’inspirer de tous les petits détails de leur environnement. En parallèle, j’accompagnerai leurs créations en établissant une narration personnelle autour de leurs questionnements, de leurs dessins. Ce sera également un moment pour échanger autour du sommeil, que l’enseignant pourra prolonger par la suite sous d’autres formes.
Par le(s) artiste(s)