Monstre(s)

L'écriture est un abri, une délivrance. Un cadeau à offrir. Une main tendue à soi-même. Un allier à jamais présent.

Dans un premier temps, grâce aux outils de l'écriture automatique et du dessin laisser écrire et dessiner les enfants sur des temps courts. Qu'est-ce qu'écrire ? Quelle est la puissance des mots et de l'expression ? Qu'est-ce que la langue de l'enfance, quel est son rythme ? Que veulent dire ces néologismes enfantins ? Qu’oublions-nous une fois adulte ? Quels étaient nos mots avant qu'ils aient été lissés, corrigés et ordonnés ? Avant la syntaxe et l'orthographe, que disions-nous entre les lignes ? Quel sens avait notre innocence ? Le thème donné à l’écriture sera : le.la monstre. Cet être, animal, fantastique, extraordinaire et terrible (des légendes, des mythologies). Questionner le.la monstre, qui est-il.elle ? Et par opposition questionner la figure du héros et de l’héroïne contemporains. A partir des textes écrits par les enfants, ou ceux que j'aurais écrit en recopiant et documentant leurs communications orales ou encore en interprétant ensemble leurs dessins, je dégagerai des lignes, organiserai une matière texte à retravailler. Une fois seule, je préciserai le texte, l'écriture, les enjeux et les personnages, je travaillerai cette matière texte, pour créer cette nouvelle langue.

Dans la deuxième partie du travail, en parallèle avec l'écriture des mots, j'aimerais travailler l'écriture des images. Avec plusieurs outils simples,  faire naître imaginaire et fantasmagorie. A une époque où l'image prend une part de plus en plus grande, comment se réapproprier le geste de l'autoportrait ? C’est grâce à mon expérience en photographie et en dessin que je mènerai cette étape du travail. Travailler le fond, le costume, la pose, le regard. Quel est notre rapport à la composition ? Créer des écrins d’où le texte pourrait être dit, mais dans un premier temps c’est une photo, un instantané. Travailler le dessin automatique, la photo prise par l'enfant, sans vouloir les rectifier, mais au contraire se servir de cela comme une base pour le travail. Une fois seule je travaillerai ces photos, ces collages, ces couleurs, ces visages, pour créer l'aspect visuel du spectacle.

Dans un troisième temps assembler les mots et les images dans l’acte d’écriture de mise en scène. De manière précise, créer un univers, ordonner les images, organiser les textes, les lires ou les apprendre, les crier ou les chuchoter, les dire seuls ou à plusieurs. Mon travail de mise en scène est très épuré et précis. Il inclut peu de lumière, afin de convoquer la figure du monstre dans l'univers du cauchemar. Dans cette partie de travail, j'utiliserai également mon bagage de comédienne, afin d'interpréter ces mots et par le corps transformer le matériau texte en matière vivante, à jouer.

Par ces trois gestes d'écriture, partir à la rencontre de soi. Se regarder pour mieux voir l'autre, mieux le comprendre. Monstre(s) c’est avant tout raconter l'enfance par l'enfance. Se faire raconter à nouveau, par nos enfants, des histoires oubliées. Il y a dans cela quelque chose de primordial. Aujourd’hui, l’écriture jeunesse prend une place importante dans la littérature et à juste titre. Avec ce projet je propose de prendre le langage des enfants comme une langue à part entière. C'est l’enfant qui raconte une histoire à l'enfant et à l'adulte. Créant sa propre mythologie, sa propre langue déstructurée. Prendre le temps de repenser l'écriture et le théâtre jeunesse, par le prisme du regard artistique de l’enfant.