Illustration par Anaëlle Cloarec

Arrivée à Vescovato

Publié par Anaëlle Cloarec

Journal du projet

Après trois jours de voyage, nous découvrons le village de Vescovato situé à la frontière du parc naturel régional : un pied dans le parc naturel, un autre dans le littoral. C’est un petit village massif en pierre de schiste encore très habité. 

La première semaine nous visitons Vescovato et tissons nos premiers contacts habitants : nous collectons des informations sur l'histoire du village, consultons les archives, récoltons les souvenirs, glanons les mémoires et les légendes.

Ce premier temps nous guide vers différents axes "d'histoires": la fête, le cinéma et la place.

Dimanche 1er mars : On s’était dit qu’on partirait à 7h. Finalement, il est midi et demi et on part de Bagnolet. La voiture est chargée d’affaires pour les quatre mois à venir : imprimante, appareils photos, rouleaux de papiers craft, canson, calque, trousses pleines à craquer, vélo … Nous traversons la France entière jusqu’à Marseille, avec une escale d’une nuit en Ardèche.

Lundi 2 mars : Nous arrivons à Marseille pour prendre le ferry de 19h. Nous passons la nuit sur le bateau.

Mardi 3 mars : Arrivée à Bastia à 7h depuis la Méditerranée nous découvrons au loin l’île de beauté : les façades colorées et  les collines en arrière plan se découpent dans le ciel gris bleu. Nous avons quitté le continent et avons le sentiment d’arriver sur une nouvelle terre. Sur la proue le drapeau corse est levé, et flotte fièrement.

Après trois jours de voyage, nous découvrons le village de Vescovato situé à la frontière du parc naturel régional : un pied dans le parc naturel, un autre dans le littoral. C’est un petit village massif en pierre de schiste encore très habité. 

En 1870, l'artiste Edward Lear (1812 - 1888) illustrateur et ornithologue britannique entamait le même voyage que nous, en décrivant avec soin dans un ouvrage Londonien «  Journal of landscape painter in Corsica », le paysage qui s'offrait à lui : 

 

Tout à coup se présente à ma vue le village de vescovato. Je n’avais jamais observé village aussi caché. Des oliviers hauts et épais et des châtaigniers situés au dessus du chemin sinueux à une demi heure du village. On rencontre tout d’abord deux ou trois tombes ressemblant à des chapelles, construites dans des endroits surprenants et magnifiques. Il s’agit d’une tradition corse. Puis le village entouré de bois, surplombant un ruisseau clair, rampant entre les rochers jusqu’à un petit pont. Vescovato n’est pas un village sans particularités, fait de bâtiments banals et laids, tels des dominos ; mais un lieu des plus pittoresques, tant par ses volumes que par ses couleurs, ressemblant aux villages comme Corchiano, ou à d’autres situés dans le centre de l’Italie et transposés, là !

Il y a une sorte de palais avec un toit en forme de couronne - bien sûr pas comme à genazzano ou Valmont - dans la partie la plus haute du village.

Une multitude de fenêtres inégales et toutes sortes de bizarreries architecturales sont rassemblées pour le plus grand plaisir des yeux de l’artiste : les teintes marron, gris, jaune, font de chacune des maisons un tableau. Et dans l’ensemble, aucun de ces parcours corses ne m’a autant ravi au premier abord que Vescovato, dont les associations historiques mériteraient à elles seules une visite.

 

Lorsque nous arrivons c’est l’heure de la récréation : premier aperçu de l’école, la place du village cernée par les voitures fait office de cour pour les enfants.

La place est très vivante : elle abrite quatre terrasses de café, le monument au mort, la fontaine napoléonienne, des assises, une dizaine de platanes bicentenaires et, comme mentionné précédemment, la cour de récréation de l'école.

Rapidement, nous faisons la rencontre de “Mimi” (Bartholomeo Camparetti) lorsque nous visitons l’église du village. Mimi est né et a grandi à Vescovato, même s’il a longtemps vécu hors de l’île, il revendique un héritage culturel Corse fort.

Mimi nous a raconté Vescovato avant : les bals l’été sur la place, les récoltes, la nature avant qu’elle ne commence à être abîmée par les hommes, les fêtes religieuses (à Pâques à lieu une procession entre Vescovato et le village voisin Venzolasca), l’histoire de la fontaine de la place principale…

Il nous fait visiter ses “musées” qui sont de grandes caves voûtées en rez-de-chaussée qu’il a aménagé : dans l’une sont exposées les outils d’autrefois liés à l’agriculture, l’élevage, l’usage de l’eau, la seconde comprend divers objets allant du culte religieux, à l’école, ou encore la seconde guerre mondiale.

Son intérêt pour le village et plus généralement la culture Corse sont une grande ressource pour le projet que nous voulons mener sur les souvenirs. Les échanges que nous avons avec lui sont d’autant de pistes que nous envisageons pour cette collecte des souvenirs : la fête et le cinéma nous semblent des sujets intéressants, et aussi la place, le centre du village, la place-à-tout-faire.

On rencontre la directrice et les institutrices le jeudi 5 sur la place à l’heure de la récréation. On leur présente le projet, celui de travailler sur les souvenirs et les mettre en scène, elles sont très réceptives. L’année dernière, elles ont travaillé sur les légendes du village avec les enfants : ils ont réécrit par petit groupe les légendes en langue Corse. 

Dès que nous croisons Mimi dans le village, il nous introduit à ses connaissances lorsqu’elles peuvent nous aider pour notre recherche.

D’abord il y a eu Vincent, qui, lui aussi a un petit musée. Les thématiques sont plus variées : il s’agit de photos datées, de vinyls des années 70, ou encore d’anciens objets comme des machines à écrire. Vincent nous prête un document sur les personnes du village décédées durant la guerre.

Ensuite nous avons rencontré la fille de Madame Suzanne Brien originaire de Vescovato. Elle a grandit et vit en Bretagne aujourd’hui, mais visite le village depuis quelques années pour faire des recherches au sujet de ses origines.

Elle nous a donné une photo d’un grand oncle, qui pose sur la place en 1937.

Et puis nous avons rencontrés les doyens, Mado et le couple Fortuné et Raymonde.

Mado a 82 ans, son immeuble donne sur la place, et nous observait depuis sa fenêtre. Elle se demandait “Qu’est-ce qu’elles cherchent ?” nous a-t-elle dit. Nous avons eu le temps d’un court échange, et prévoyons de la revoir plus tard.

Fortuné et Raymonde ont 99 et 95 ans respectivement. Mimi nous prévient qu’il faut faire attention à ne pas trop les fatiguer si nous les rencontrons. Nous fixons un rendez-vous et leur rendons visite un après-midi pour un entretien. 

Fortuné est né et a grandi à Vescovato, il est parti quelques années en tant qu’ambulancier pendant la guerre, revenu, puis reparti à Paris avant de prendre sa retraite dans son village natal. Il nous raconte les moissons lorsqu’il travaillait à la plaine, les fêtes dans le village l’été, les calèches avant la voiture, lorsqu’il a appris à nager dans le Golo (le fleuve), quand il n’y avait pas encore de frigidaire les bouteilles que les bars mettaient dans la fontaines et aussi les différents cinémas qui ont été montés au village. Raymonde qui est arrivée plus tard au village, dans les années soixante nous raconte qu’au bar sur la place, c’était plutôt des hommes, et que les femmes n’avaient pas le temps, elles devaient s’occuper de la maison.

On se rend à la mairie pour nous présenter et aussi consulter les archives. On rencontre Martine, la secrétaire municipale. Ils ont peu de documents qui puissent nous intéresser, mais nous transmettent un prospectus-plan à visée touristique datant des années 60.

Avant le premier atelier prévu pour le 12, on dessine le village : une axonométrie de la place, le village vu du ciel, des perspectives.

On imagine les formes que peuvent prendre ces premières histoires que nous avons, une méthode de collecte des histoires que l'on pourra transmettre aux enfants.

On rassemble la documentation que l'on a, on recherche des informations sur internet, on visite le fablab de Corte, où l'on prévoit de créer un partenariat pour construire la machine à histoire.

 

Dessin de Vescovato

Vue du village de Vescovato, mars 2020

Vescovato par Edward Lear

Vescovato par Edward Lear
Vue de Vescovato par Edward Lear, 1875

Glanages et premiers dessins

Glanages de documentation et premiers dessins

Entretien Fortuné et Raymonde

Légende raconté par Mimi