Porte de l'école de Vescovato, donnant sur la place du village, le jeudi 12 mars

Jeudi 12 Mars

Publié par Pauline Leriche

Journal du projet

Jeudi 12 mars 

Dans nos agendas on note :  “rdv à l’école, premier atelier avec les enfants de Vescovato”.
Le gouvernement lui, note : “premières mesures vers le confinement : fermeture des écoles”...
On est synchrone …

Classes vides
Jeudi 12 mars, les classes sont vides et la tension palpable

À Vescovato, nous habitons à deux pas de l’école (plutôt cent pour être exact), nous traversons la place du village et nous y sommes. Ce jeudi matin-là, Letizia Baldi, directrice de l’école et Marie-Christine Baldi, sa mère et institutrice nous accueillent avec de la Ricorée. Les classes sont vides et la tension palpable. Le bureau de la directrice semble être devenu un hybride entre standard téléphonique et cabinet ministériel. Les coups de fil s’enchaînent aussi vite que les prises de décision. Gobelets de Ricorée à la main, nous filons nous installer avec l’institutrice dans sa salle et à son bureau. Elles nous offrent de belles oranges. Sur les murs sont affichés les pronoms personnels, les chiffres, les conjugaisons … tout est en langue corse et française.

Nous discutons de notre projet : notre volonté de glaner les paroles habitantes, les souvenirs d’antan et d’aujourd’hui, faire parler les ancien·es, les jeunes, les enfants, les femmes, nos premières idées de sujet pour cette collecte des histoires (la fête, le cinéma, la place …), notre rencontre avec Mimi, nos premiers contacts avec le village ...

Nous abordons aussi, ce que nous comptions faire avec les enfants pour ce premier atelier. Nous avions prévu de jouer au reporter et journaliste. Par groupe de 4, les enfants auraient eu un rôle à tenir : le photographe, l’intervieweur pose les questions, l’interviewé raconte son histoire, un enfant se charge de la prise de son et prise de notes. Nous avions préparé le matériel et un petit calepin d’interview pour chaque groupe. Ce sera partie remise …

La conversation est ponctuée par la venue de parents et grand-parents d’élèves venus récupérer les affaires des enfants. L’ambiance est incertaine, on en oublie la Ricorée, qui refroidit dans nos gobelets. Marie-Christine souhaite nous montrer le travail que les enfants ont effectué l’année passée. Son ordinateur ne fonctionne pas, le réseau internet non plus, après plusieurs essais, elle projette finalement sur le le tableau blanc l’écran de son ordinateur et le site de l’université de Corte sur lequel est répertorié le travail mené par l’école et les enfants. Après avoir collecté des histoires sur le village, iels ont réécrit ensemble - en gardant les trames narratives existantes - leur propre histoire du village. Marie-Christine nous lit alors deux histoires : celle de San Martinu et de la fontaine de la place du village et celle d’u gubacchu, le bossu qui vivait à Acqua Merdenza, la source d’eau croupie qui surplombe Vescovato. Les histoires sont écrites en Corse, elle nous les traduit simultanément en français.

Ces deux histoires abordent la question de l’eau au village. La fraîcheur du village, la fontaine de la place, les sources, les villageois·e·s qui se rassemblent autour de l’eau, ses vertus, ses dangers …

Pour Marie-Christine, c’est une évidence, nous devons travailler sur l’eau à Vescovato.

Nous sortons de l’école, traversons la place et passons par la mairie, juste en face de la maison que nous habitons. Par hasard, Martine, la secrétaire de mairie, nous a trouvé de la documentation sur l’eau au village.

Ressources documentaires
Documentation glanée autour de Vescovato et de son lien à l'eau

De retour chez nous, on se questionne : qu’en est-il de la fête ? et le cinéma ?
Se lance t-on dans un projet autour de l’eau ?
Comme pour nous aider dans notre décision, Paule, notre logeuse, pensant que nous sommes en pleine recherche autour de la fête, nous apporte un livre sur les fêtes religieuses en Corse et leur traditions. Nous parcourons l'ouvrage, parmi ces traditions, nous y découvrons des rituels avec l’eau :
 

“ Durant la nuit qui clôture l’année, se déroulaient dans toute la Corse des rites particuliers auprès des fontaines. Ce soir-là l’eau avait des vertus particulières. À Ghjunchetu, à minuit pile, coulait l’eau des fées, une eau miraculeuse qui exauçait les voeux. Les jeunes gens se précipitaient pour arriver les premiers à la fontaine pour boire cette eau.”

“L’eau est une limite, elle apporte la vie mais permet aussi les communications entre les vivants et les morts. Elle est sous la garde des esprits ou d’anciennes divinités, souvent féminines, que l’on retrouve dans les croyances et dans les contes de l’île sous l’aspect de fées, puis de saintes, comme Santa Maria, mais aussi Santa Lucia ou Santa Ghjulia.”

 

Pierre-Jean Luccioni et Ghjasippina Giannesini, Tempi fà, fêtes religieuses, rites et croyances populaires de Corse 1, Albiana, 2010

La Vendetta - Francis Blanche
Jean Cherasse, La Vendetta, 1961 - Francis Blanche face à la Fontaine de Vescovato

 

L’eau peut-être célébrée et fêtée. En se penchant sur l’eau, on retrouvera la fête.
On n’abandonnera pas tout à fait le cinéma non plus. On découvre en effet La Vendetta, un film de 1961, tourné à Vescovato avec notamment Louis de Funès, Francis Blanche et des habitant·es du village. La fontaine y est magnifiée.

Nous sommes décidées :  le projet change de nom, ce sera “Histoires d’eau”.

Tempi fà, fêtes religieuses, rites et croyances populaires de Corse
Le bâti lié à l'eau en Casinca