Trame Post-its

Janvier : Premiers ateliers

Publié par Julien Breda

Journal du projet

En janvier, l'objectif est double : rendre sensible les élèves à notre cheminement de pensée et les rendre acteurs de cette recherche.

Pour inaugurer notre rencontre avec les élèves de CM1/CM2, Mathilde Supe et moi-même (Julien Breda) décidons de commencer par un temps de présentation conçu comme une petite performance, presque un spectacle, afin de les immerger dans notre objet filmique : un montage raccourci par Mathilde du film « Sa Majesté des Mouches » entrecoupé de temps de lecture de la pièce « Les Enfants » lue par Julien.

Nous cherchons à obtenir une forme de présentation qui donne l’essence du récit en construction.

De-là, nous pourrons déployer nos trois premiers ateliers autour de la structure d’une narration. Il s’agit de nommer et de commencer à utiliser un champs lexical propre à l’étude de l’image (trame, fiction, narration, plan…), de repérer et de comprendre de quelle manière est véhiculée une émotion, et ensuite s’accaparer la trame pour la reconstituer selon son interprétation.

Tableau brainstorming

LUNDI 27 JANVIER

Rencontre avec la classe de CM1/CM2 qui s’avère très sensible aux questions écologiques, ce qui déplace notre approche des « enfants sauvages » dès le début de l’échange : les clichés du retour à l’état sauvage, comme chasser des animaux, couper du bois pour se faire des armes et se construire des abris, sont abordés avec défiance.

Après une discussion autour du titre du projet « Les Enfants Sauvages » où nous échangeons autour de leurs références, et des images que leur évoque ce titre (retour à la nature, liberté, folie…), quelques références émergent : Peter Pan, le Livre de la Jungle, Jumanji, Tarzan… Nous insistons sur la notion de liberté et d’inspiration.

Nous lançons la petite performance avec la projection du film, qui est en noir et blanc, et en anglais non-sous-titré. La structure narrative émerge, et la composition des plans et des séquences permet de comprendre parfaitement l’évolution de l’histoire sans avoir accès aux dialogues. La lecture incarnée par Julien soutient ce récit schématique, et les élèves sont attentifs aux enjeux, aux rebondissements, et au rythme de l’action.

Puis nous procédons à un récapitulatif du film sous forme de timeline dessinée au tableau, qui permet de poser les évènements forts, et le déroulé des émotions, sur un outil visuel inspiré des techniques scénaristiques. Les élèves sont investis et participatifs avec ce travail conceptuel. Par un jeu de questions-réponses avec eux, nous obtenons la restitution du film projeté.

Après une pause méritée, nous procédons à un exercice de transposition : que feraient les élèves s’ils se retrouvaient du jour au lendemain sans adultes, sans possibilité de rentrer chez eux, dans la ville de Villeparisis désertée et dysfonctionnelle ? Les élèves inscrivent sur une feuille blanche deux choix pour chaque question posée.

Les idées se recoupent en 3 tendances, il y a ceux qui veulent profiter de l’instant (manger toutes les réserves de nourriture du célèbre fast-food américain, jouer toute la journée avec les ami(e)s…) ceux qui sont sérieux et veulent construire des abris, organiser de quoi se nourrir, anticiper la survie… et ceux qui sont plus poétiques, qui en profitent pour se rapprocher de la nature et des animaux.

Timeline tableau

MARDI 28 JANVIER

Travail conceptuel autour de la timeline : nous commençons par demander aux élèves un résumé à l’oral du film visionné la veille, et nous utilisons le schéma dessiné au tableau pour soutenir cet exercice : remettre en ordre des évènements, induire des causes à effet, hiérarchiser les moments forts…

Nous décortiquons le mot « timeline » et abordons la notion de temps linéaire propre au récit et surtout au cinéma. Nous en profitons pour aborder des questions « sensibles » comme celles de la folie, de la violence, du langage, qui peuvent émerger dans la sauvagerie.

Espace dans la salle

Puis nous déplaçons les tables pour dégager un grand espace autour d’un mur vide, sur lequel afficher une timeline qui puisse rester en notre absence, et ancrera le souvenir du déroulé narratif dans la mémoire.

Pour qu’ils s’emparent littéralement de la structure du récit, nous avons imprimé des mots-clés sur des sortes de post-its grands formats, à la manière des « writing boards » des scénaristes, et nous les avons collé sur des pièces de carton-plume, qui leur donnent l’aspect d’un grand puzzle facile à manipuler.

Timeline murale

Les élèves passent deux par deux et placent les mots-clés au mur, en essayant de visualiser graphiquement l’emplacement des évènements dans le temps (largeur du mur, rapprochement des pièces). Ils s’autonomisent et finissent par participer tous en même temps. Les élèves s’organisent à leurs manières ce qui modifie légèrement la perception de l’espace habituel de la classe. Cela s’apparente aussi à la question que les personnages traverseront dans la fiction : comment s’organiser ?

Cette timeline est fabriquée en collaboration avec eux, et inclut les idées qu’ils nous ont soumises la veille. Ainsi, les objets symboliques, les décors, les situations et les rebondissements, mêlent les éléments de l’ile déserte du film à l’environnement quotidien des élèves dans la ville de Villeparisis : le stade, l’école, un parc d’attraction, les centres commerciaux, le canal…

Le récit commence à devenir hybride : mélange des œuvres d’inspiration et des références quotidiennes des enfants, et structure abstraite illustrée par quelques situations ou objets très précis. Dans les prochaines séances, nous serons amenés à affiner cette timeline, en enlevant ce qu’on ne garde pas, en resserrant ou en changeant des scènes et des décors, jusqu’à obtenir un nouveau récit en substance.

Echauffement

JEUDI 30 JANVIER

Après deux premiers jours consacrés à un travail conceptuel, cette matinée fait le lien avec une recherche autour du jeu et des émotions qui constituent l’interprétation du récit observé grâce à la trame.

 

Cette séance se réalise en deux temps :

  • un premier temps consacré à un échauffement qui sert à concentrer l’élève pour rechercher un état de disponibilité  
  • un deuxième temps pour commencer à travailler l’émotion

Avec les exercices utilisés pour l’échauffement, nous créons un espace et un vocabulaire pour que l’élève puisse être à l’écoute de son corps, être sur soi. Il s’agit de désinhiber les gènes, d’enlever les peurs, les projections et de modifier le regard des autres pour qu’il soit porteur et non plus moqueur.

Nous devons constituer une énergie commune tout en conservant les singularités qui apparaîtront à l’image. Notre récit se fonde principalement sur la notion de groupe donc nous cherchons des corps disponibles afin de chorégraphier des mouvements collectifs dans lesquels les élèves s’investissent avec plaisir et sérieux. Marches dans l’espace, vocalises, contact physique en duo, sont autant d’exercices qui nous permettent de générer ces images de groupe.

Le vocabulaire concerne des choses spécifiques au corps : rythme, regard, vitesse, alignement du squelette, détente. Ainsi les élèves prennent conscience de la disponibilité ou pas de leurs corps et de ce qu’il donne à voir.

Ces outils permettent un langage commun artistique utile lors du tournage.

Emotion

Le deuxième temps nous permet d’observer comment ils interprètent les émotions relevées dans le film comme la peur, la colère, la joie, la folie, des émotions avec lesquelles nous voulons travailler.

A travers un exercice d’initiation comme le carré des émotions (l’élève doit circuler et s’arrêter dans des espaces assujettis à une émotion pour la jouer), nous constatons que les élèves cérébralisent et rationalisent les émotions en utilisant des stéréotypes. Ce n’est pas de l’expressionnisme puisque les élèves « singent » les émotions mais ne sont pas sincères avec elles.

Le but est donc de passer par une direction précise sur le visage, sur des mouvements physiques, pour faire advenir l’émotion par l’imagination et surtout par l’interprétation personnelle. Par exemple, tout le monde n’a pas le même froncement de sourcil. Nous nous arrêtons sur les élèves qui nous semblent proche d’une forme de justesse dans l’expression pour montrer aux autres élèves, ce qui nous semble sincère. De manière chorale, nous réunissons les élèves à qui nous demandons de jouer l’émotion en fonction de nos retours.