Jour 1

Je dis : bonjour les enfants. Et les enfants disent bonjour.
Je dis que l’écriture c’est comme un voyage très lointain. Je prends un billet d’avion pour un pays que je ne connais pas et qui me rend curieuse. Je ne sais pas ce que je vais découvrir en chemin. C’est pour ça que j’écris. Pour apprendre. Ils me regardent en silence.

Je rencontre les enfants grands, les enfants petits et les enfants du milieu.

Les enfants grands disent d’abord qu’ils n’aiment pas écrire. Alors on décortique. Il y a le geste d’écrire. Il y a la grammaire et l’orthographe. Il y a ce qu’on invente, ce qu’on crée.
Tous les vendredis matin, ils font un jogging d’écriture.
C’est à dire qu’ils écrivent pour le plaisir. C’est à dire qu’il n’y a pas de note. Pour le plaisir de qui, je n’ai pas posé la question.
J’aime l’idée d’écrire jusqu’à s’essouffler.
La maîtresse dit qu’ils apprennent qu’une phrase commence avec une majuscule et finit avec un point. Qu’une phrase ne fait pas dix lignes. Qu’on ne commence pas une phrase par Et, par Car. Et là je pense, dans une pensée coupable, qui me ramène sur une chaise en CE2, que j’ai envie de leur dire tout le contraire.
Éducation Nationale : trahie.
Peut-être faut-il des artistes en résidence qui arrivent, qui disent que tout est possible, et qui s’en vont.

Les enfants petits n’osent pas me poser de question.
La maîtresse leur en prête une : d’où viens-tu ?
Je viens de Lyon, c’est une grande ville. Est-ce que vous connaissez Lyon ? Est-ce que vous êtes déjà allés à Lyon ?
Les réponses sont timides.
Un petit garçon se lance. Il a déjà vu des lions au zoo, oui.
Il est allé à lions.

Les enfants du milieu me regardent. Je leur annonce que nous allons écrire autour du silence. Des doigts se lèvent. Le silence c’est quand il n’y a pas de bruit. Le silence c’est quand c’est calme.
Un enfant traduit silence dans une langue que je connais : quiet.
Un enfant traduit silence dans une langue que je ne connais pas : ......
Plus tard, ils sont assis, o et n donnent le son on.