Le Parcours Vocal

Le Parcours Vocal - Restitution

Publié par Yure Romão

Journal du projet

Le jour de la restitution la classe a été divisée en groupes de 6 élèves et les parents des élèves concernés étaient invités à l’école dans des horaires précis par groupe de 6 maximum, en fonction des mesures sanitaires en vigueur à l’époque. 

Nous avons préparé un parcours qui comptait trois étapes: une exposition photo, avec des images prises par les enfants pendant la résidence; le visionnage d’un teaser de présentation du projet et en dernier une performance où le groupe d’enfant investit l’espace du Parcours vocal et interagit avec l’univers sonore et les récits diffusés dans la salle.

Une fois fini tout le processus de construction et préparation de la restitution, nous nous sommes retrouvés avec un dernier point posé par les élèves. Une partie des enfants ne souhaitait pas diffuser les récits enregistrés aux parents. Cela relevait en quelque sorte une question plus profonde, liée à la parole intime et à sa délivrance devant un public. J’ai décidé de prendre une séance pour discuter et comprendre les inquiétudes des enfants qui ne souhaitent pas diffuser leurs récits. Dans la majorité des cas leur refus dérivait de disputes familiales qui les précédaient. Normalement, la personne à qui ils ont décidé de s’adresser dans l’enregistrement, était partie pour des questions de dispute dans la famille et pour eux, montrer leur affection envers cette personne pourrait raviver des tensions au sein de la famille. Cela a alors posé une question intéressante pour le travail: comment permettre la connexion souhaitée, sans que la parole de celui qui a besoin de la dire (l’enfant) soit interdite et sans qu’elle crée d’autres tensions avec celui qui l’entend et qui n’est pas celui à qui cette parole est adressée (public, parents, grands-parents, soeurs et frères)? Comment mettre en scène des récits intimes et personnels des enfants, sans qu’ils se sentent exposés, tout en protégeant l’intimité propre au type de récit produit dans cette résidence?

Cela m’a amené à penser ces récits comme de matières sonores et de me détacher d’une conception du récit en tant que discours. J’ai proposé ainsi aux enfants de transformer la matière sonore de leurs récits. Avec une mixette, ils pouvaient ajouter des couches, des sons, d’autres récits, de sons collectifs à leur récit initial à être diffusé. Les enfants ont expérimenté cela et l’ont adoré. Ils étaient d’accord de diffuser leurs récits s’ils pouvaient les “déformer” et rendre certains passages inaudibles, superposés par d’autres sons et voix. 

Cet exercice a été intéressant pour deux raisons dans ce projet: la première c’est qu’il a permis à quelques enfants de contourner leur envie de s’auto-censurer en fonction de leur famille. La deuxième c’est qu’en ajoutant des couches et des sons à leur récit initial, ils ont pu déformer leur discours, tout en  ajoutant d'autres choses à travers les distorsions sonores opérées. Les endroits du récit choisis et les sons qu’ils proposaient étaient aussi chargés de signification dans ce nouveau récit produit. En même temps, cette démarche rejoint le concept du Lyannaj, mais par un autre prisme qui est abordé dans la définition que donne l’écrivaine Gerty Dambury dans un article écrit pour le Nouvel OBS, Guadeloupe : le créole, langue de la mobilisation, publié le 4 novembre 2016 à 18h08 sur le site du Nouvel OBS avec Rue89, onglet "Nos vies connectées" :

“Il faut aussi s’attarder sur le mot de « lyannaj », car il ne signifie pas que l’attache, le lien, l’union, le collectif, il signifie aussi que l’on encercle l’ennemi, il se rattache aussi à l’expression « fouté lyann » qui signifie mettre en difficulté, frapper durement, serrer la vis à quelqu’un.”.

 

Dans ce sens, les enfants protègent leur récit et mettent en difficulté la compréhension du public, sans pour autant renoncer à leur besoin de dire ce qui fallait être dit. Chaque groupe a créé son univers sonore avec les récits (transformés ou pas) et pendant la restitution je les ai diffusé pendant qu’ils investissent l’espace du Parcours vocal.

 

Toute la communauté scolaire était présente avec des enseignants et non-enseignants, les parents et les familles étaient présents, ainsi que des représentants de la mairie, du rectorat, de la télévision locale TeveKa et le directeur de l’Artchipel (Scène Nationale de la Guadeloupe).

 

Le dernier groupe à se présenter a chanté une chanson que nous avons chanté tout au long de la résidence et que je trouve très bien illustrer cette restitution. C’est la chanson Gilo, du groupe mythique guadeloupéen Akyo. La chanson parle de quelqu’un qui est parti loin, et de quelqu’un qui est resté ce qui était en total résonance avec le récit de La Voix humaine et le travail développé au long de la résidence.

 

Je retiens une partie de cette chanson en créole et je l’adresse à tous ceux que j’ai croisé pendant cette résidence à l’école Léopold Lubino: 

An ka pati, an ka vwayajé

Pétet on jou an ké retouné”

Teaser de la résidence artistique à l'Ecole Léopold Lubino

Inspiré d’un texte homonyme de Jean Cocteau, qui nous livre le récit d’un appel téléphonique, Yure Romão s'est lancé le défi d’explorer avec les enfants les différentes formes qui rendent visibles et palpables les fils nous reliant à quelqu’un de distant.

Construction du Parcours vocal
Marie dans le parcours vocal