L'écoute au centre de la démarche artistique

"Scène d'Exposition": le chemin vers Marie-Galante

Publié par Yure Romão

Journal du projet

Le trajet de la Guadeloupe vers l'île de Marie Galante a été pour moi une sorte de “Scène d’exposition” pour toute l’expérience artistique et humaine que j’allais traverser dans les cinq semaines à suivre.

Après le voyage de Paris vers la Guadeloupe, j’ai entamé mon deuxième voyage, cette fois-ci en bateau pour aller à l'Île de Marie Galante, où je resterai pendant les cinq prochaines semaines.

J’avoue que je n’avais pas beaucoup d’informations concernant cette île, à part ce que j’avais trouvé sur internet et aussi ce que quelques amis m’avaient dit d’après leurs expériences. Le voyage en bateau est relativement court, (environ 1 heure) et le bateau, qui était plus un ferry, était équipé avec de la climatisation et un bar à disposition. A priori, un voyage tranquille. Pour ma surprise et celle de quelques passagers, la mer était très agitée ce jour-là et dès les premières 10 minutes, j’ai eu quelques signes qui annonçaient un voyage différent de ce que j’imaginais. Entre le bateau qui bougeait beaucoup et quelques valises qui tombaient par terre, j’essayais d’attacher ma guitare et mon sac contre mon corps, pour qu’ils ne tombent pas. Je voyais des personnes qui se levaient régulièrement et d’autres qui étaient très calmes sur leurs sièges (sûrement des locaux habitués au trajet, j’imaginais). Je m’aperçois alors que je commence à transpirer. J’associe cela au port masque qui chauffait mon visage. Cependant, je commence à avoir un malaise et je décide d’aller aux WCs. Le chemin était long et avec le mouvement du bateau, j’avais du mal à me tenir debout. Je vois environ cinq personnes qui entrent et sortent des toilettes, à peu près dans le même état que moi, ce qui m’a rassuré en quelque sorte. Je sors des toilettes un peu désorienté et je me rends compte que je n’arriverai pas à revenir à ma place initiale. Je m’assois ainsi à côté d’une famille avec deux enfants. Un des enfants, l'aîné, a un sac plastique à la main et l’autre, plus jeune, pleure énormément en criant “Je n’en peux plus de vomir!”. J’ai la tête qui tourne. Je cherche sur internet comment éviter cette sensation et je découvre alors que j’ai le mal de mer. Pour ma surprise, j’apprends que cela se doit au fait qu’il y a un décalage qui se produit entre ce que nous voyons (l’intérieur du bateau stable) et ce que notre ouïe interne ressent (le mouvement agité du bateau). Le cerveau ne comprenant pas ces informations contradictoires entre l'ouïe et la vision, le malaise s’instaure. Une des solutions pour cela serait de regarder l’extérieur du bateau et le mouvement des vagues, mais je n’avais pas les forces d’aller vers la fenêtre, sans commencer à crier comme l’enfant qui se trouvait à côté de moi. J’ai décidé ainsi de fermer mes yeux et d’essayer de caler mon corps avec le mouvement du bateau. Plus je suivais mon corps et me laissais porter par le mouvement des vagues, mieux je me sentais. Ma respiration s’est calmée, j’ai arrêté de transpirer et les dernières 30 minutes de voyage se sont plutôt bien passées les yeux fermés.

Les rideaux s’ouvrent. Que commence le spectacle! J’avais l’impression d’avoir vécu une sorte de  scène d’exposition théâtrale de ce nouveau lieu et la meilleure façon d’accéder à ses intrigues et complexités, consistait à me fier à d’autres sens que celui de la vision, pour ainsi être plutôt à l’écoute du mouvement dans lequel je venais d’embarquer.

Cette expérience est devenue pour ainsi dire, un leitmotiv dans ce projet de résidence, revenant sans cesse dans le travail artistique avec les enfants autour de la voix.