annulation et réflexion

Pas de première : Seconde annulation... et réflexions

Publié par Adeline Fontaine

Journal du projet

Nous apprenons une nouvelle fois l’annulation du projet et ça ne passe pas vraiment.
Nous enfermer nous, pourquoi pas, mais eux ? 6 mois de leur vie ne sont pas vraiment équivalent à 6 mois de la nôtre.

En pleine construction de soi, avant les métamorphoses du corps, on aurait souhaité poursuivre le partage de cet espace où le corps n’est ni social, ni sexué, ni contraint, ni rejeté, mais est une matière de travail ludique et joyeuse avec laquelle chanter, parler, prendre soin, bouger, créer.

On le sait ce que ça représente, pour avoir traversé cet âge et ces changements, et on ne le sait pas vraiment non plus ce que ça aurait représenté pour eux, dans leur chemin à eux.

Ce qu’on sait, c’est que plusieurs ont refait la chorégraphie, chez eux pour s’entrainer, et qu’ils espèrent qu’on va refaire le spectacle ensemble ou reporter tout cela à l’année prochaine, ce qui n’est plus possible.

 

 

Nous n’avons pas pu leur proposer un travail virtuel.
La transmission à distance de nos pratiques de danse, de parole, de performance par le biais d’outils virtuels/numériques rentre en contradiction avec la nature de ce que nous souhaitons transmettre : le rapport aux sensations physiques de son propre corps, la perception de l’espace, du corps de l’autre, du rythme, l’acte de danser ensemble et l’écoute profonde qu’il implique.
Nous pratiquons l’instant, la relation, le touché. Nous sommes touchés par les corps et par les rythmes.

Cette impossibilité à se conformer à une dématérialisation maximale pour répondre à la crise sanitaire nous a beaucoup questionné et nous a fait réfléchir sur la façon dont nous souhaitions envisager l’acte créatif et l’acte pédagogique.

 

Nous comprenons la nécessité d’établir des modalités dématérialisées de travail, de relations, pour faire face à la pandémie et nous en faisons l’expérience également.
Notre crainte est la manière dont cette dématérialisation semble s’installer durablement dans nos pratiques artistiques.
Le contexte actuel n’a fait que renforcer pour nous l’importance de se retrouver pour partager le savoir, les connaissances, l’appréhension de nos corps, la rencontre, la danse.

L’usage du monde virtuel, (malgré sa nécessité et le besoin que nous en avons) s’il devient la seule alternative ou la seule solution à cette crise, impliquerait la fragilisation et même la destruction de nos écosystèmes car il est coûteux en ressources, énergie, eau, et même financièrement. Cette dématérialisation pourrait donc participer d’éventuelles futures crises (écologiques, sociétales, économiques).
 

Comment prendre conscience et sortir d’une crise si la solution proposée en est l’une des  causes ?


S’engager durablement (en fonction de la durée des crises, ou régulièrement en fonction de la fréquence des crises) dans la création de modalités de transmission virtuelle de nos pratiques serait croire que la transmission serait une activité détachée du contexte et des enjeux du monde dans lequel elle s’effectue.
Nous pensons que la transmission peut proposer des espaces horizontaux de ré-appropriation du savoir qui, au contraire, assume le monde dans lequel ils s’inscrivent, sa situation politique, économique et sociale, et nous donne des outils pour penser, et agir.

 

Nous sommes entourés d’artistes qui s’investissent dans la transmission dans les écoles, les hôpitaux, les EPAHD. Ce que Création en Cours ouvre en nous dans notre intérêt à proposer des expériences artistiques collectives, est d’envisager des rendez-vous qui nous permettraient de croiser nos expériences de transmission, les défis auxquels nous avons dû faire face, les surprises, les apprentissages, les erreurs, les inventions…

Il nous semble important de ne pas nous sentir isolés dans nos expériences mais de pouvoir les partager et comprendre en fonction des situations ce que nous avons en commun ou non, à quel endroit la solidarité nous permet de poursuivre l’élaboration de nos pratiques créatives et leurs transmissions.