Semaine 1 : Compte-rendu

Publié par Estelle Lembert

Journal du projet
Arts de rue Théâtre Clown, Documentaire sonore

La première semaine a d'abord été celle de la rencontre. Nous avons eu l'occasion de confronter notre projet de spectacle aux enfants et de commencer nos travaux de transmission, de récolte de voix et de plateau. Nous avons pu poser les bases de Parleras-tu ? à Saint-Julien de Peyrolas.

La première semaine a d'abord été celle de la rencontre. Nous avons eu l'occasion de confronter notre projet de spectacle aux enfants et de commencer nos travaux de transmission, de récolte de voix et de plateau. Nous avons pu poser les bases de Parleras-tu ? à Saint-Julien de Peyrolas.

Lundi matin, nous avons exposé à la classe entière nos envies, notre recherche, les questions que nous nous posons pour notre spectacle et que nous appelons « l'enquête » : Qu'est-ce que Grandir ? Qu'est ce que Adulte, Enfant ? Grandir rend-il Libre ? Ou au contraire ? L'écoute du teaser sonore nous a permis de confronter l'ambiance d'une école primaire du Gard aux précédents témoignages que nous avions récolté en MECS ou en Lieu de Vie, c'est une piste de travail pour le plateau !

S'ensuivent les premiers ateliers. Il s'agit de transmettre les outils, avec les masques et la distanciation, dans la salle que nous désinfectons après chaque séance de travail. Pas évident. Les enfants sont très sages, très respectueux, très silencieux aussi. Libérer la parole ne va pas être une mince affaire. Pourtant, mot automatique, visite guidée, carte postale, danse, chanson, secret, nous traversons les différents outils d'expression et ils en redemandent ! Julie, l'institutrice, est surprise des récits des ateliers « j'ai fait visiter mon château et j'ai eu des super-pouvoirs ! » « on pose les bagages ! » (NdR : il s'agit de respirer profondément pour observer ses sensations après une action).

La semaine avance, il est temps de présenter le microphone. Nous intervenons avec des petits groupes (¼ de classe), par tranche de demi-heures. La ritualisation de la prise de parole se fait naturellement pour garantir la qualité de la prise de son : si on perturbe sonorement l'enregistrement il sera gâché. Nous proposons des phrases à remplir pour l'enquête, « la meilleure bêtise, ce serait ... », « je suis libre car... » etc., puis des histoires à inventer et raconter ensemble, que l'on réécoute. Timidité mais aussi prises de risque adviennent. Les enfants retiennent beaucoup ce moment, le microphone est en train de devenir un ami.

Le mercredi nous trouvons enfin le temps de nous recentrer sur le travail de création. Fortes de nos premières récoltes, fatiguées de l'intensité de la rencontre, nous faisons le point. Les expériences de plateau ce jour là sont laborieuses, mais la clowne se retrouve et le son nous rappelle les paroles déjà récoltées. Leur voix nous recentrent sur les problématiques : notre projet est aussi politique qu'intime.

Dès le jeudi, les seconds ateliers (jeudi matin et vendredi matin) sont l'occasion d'entendre plus de voix, nous testons de nouveaux jeux, développons l'écoute de soi et l'écoute des autres, qui ne vont pas l'une sans l'autre. Nous retraversons les outils déjà rencontrés, s'ajoute la revendication qui permet d'exprimer colère et mécontentement en toute sécurité (pas d'adresse personnelle, une énergie pure bien ancrée dans le sol). C'est un succès. Enfin le volume sonore monte, et c'est l'heure d'un jeu collectif. Ayant toute leur attention et leurs rires que l'on devine sous les masques, nous profitons de ces derniers moments pour reprendre l'enquête et le microphone va capter des réponses aux questions que nous posons. Selon les groupes, l'engouement sera variable, mais nous commençons aussi une bonne récolte de blagues !

Le jeudi après-midi est un moment clef pour notre travail de plateau. Nous posons une structure, arbitraire et formelle pour l'instant, afin de déterminer comment tiennent les différentes hypothèses scéniques que nous avons. Les différents personnages incarnées par la clowne se dessinent mieux et leurs rôles dans la dramaturgie s'affirment. Les voix des enfants et des jeunes s'organisent par thème mais aussi dans leur rapport à la clowne : questions-réponses, montages plus longs, appuis pour l'enquête ou au contraire embrouille. Le personnage virtuel de Madame Tortue (NdR : la voix de synthèse, secrétaire-collaboratrice de l'enquêtrice qui semble avoir accès aux voix enregistrées des jeunes) prend également consistance. Il se pourrait même qu'une histoire d'amour commence... La journée finit tard, autour de la réécoute des travaux de plateau, en débats constructifs sur le sens de tout ceci et sur les directions à prendre.

Vendredi est déjà le dernier jour, la fatigue se fait sentir. Entre la logistique du départ (quitter l'hébergement, ranger et désinfecter une dernière fois la salle de travail,...) et le bilan avec l'ensemble de la classe, nous trouvons tout de même le temps et l'énergie d'un dernier travail de plateau. Il permet de fixer les questions cruciales de fond et de forme à se poser. Nous travaillons au choix des thèmes évoqués : Grandir c'est travailler ? Grandir, c'est la liberté ? Grandir ce n'est qu'un chemin ?... et leurs liens possibles : travailler c'est la liberté ? Prendre soin de soi, c'est être enfant ou adulte ? Et prendre soin des autres ? Et l'amour ? … Mais nous travaillons aussi les problématiques formelles : Mme Tortue peut-elle interrompre Saccage à n'importe quel moment ? Comment l'Enquêtrice entend les voix des jeunes ? Les connaît-elle déjà ou les découvre-t-elle ? Toutes ces questions, que nous laissons ici ouvertes ont des débuts de réponses hypothétiques, que nous nous donnons pour objectifs de valider ou non les prochaines semaines.

Le bilan avec les enfants a aussi été un moment très riche, et reposant. Chacun-e a pu raconter son meilleur et son moins bon moment passé avec nous, nous en tirons des pistes pour les prochains ateliers. Globalement nous sommes heureuses qu'ils et elles aient trouvé du plaisir et de l'intérêt dans nos propositions. Le rapport avec le microphone semble apaisé, ce qui nous donne beaucoup d'espoir pour les interviews prévus en semaines 2 et 3 !

Nous repartons vers nos habitations respectives... avec malheureusement un nouvel hôte pour une d'entre nous : le coronavirus s'est invité à la fête. Cette première semaine, intense, a déclenché un travail de création passionnant et fut, nous l'espérons à la fois un bol d'air pour les enfants mais aussi le début d'un travail pédagogique et créatif inhabituel.

* À suivre... *