Une aiguille entre les doigts

Une aiguille entre les doigts

Publié par Flavie Chauvin

Journal du projet

Janvier 2020.

Deux journées, pour s'initier à l'art de la marionnette et prendre en main l'aiguille pour broder une toile commune, sous le signe de l'émerveillement et du doute.

 

Jour 2 à l'école

Retrouvailles avec les enfants, toujours aussi impatients. 

Pendant les vacances, les élèves étaient chargés d’interroger une personne de leur entourage autour du thème de la couture. Il.elle.s sont peu à avoir interrogé des hommes. On récupère les précieux carnets pour les lire ce soir.

Jeux de théâtre et d'improvisation pour commencer. Le rituel se met en place.

Un peu d'Histoire de la marionnette avant la récré. J'essaie de faire tomber les clichés et de leur faire découvrir de nouvelles formes marionnettiques, autre que le fameux Guignol. 

* marionnette sur table * théâtre d'ombre * marionnette portée * marionnette habitée * marionnette à fils théâtre d'objets * théâtre de papier * muppet * stop motion et animation 

 

4 groupes, 3 ateliers, 2 salles. Au programme : écriture de scénario, broderie et découverte de la marionnette. Vous avez 40minutes.

Hugo est émerveillé « Tu y arrives trop bien, on dirait qu’il est vivant », Juline est morte de rire en voyant la marionnette se déplacer. Killian n’a qu’une envie, celle de toucher la marionnette. C’est à votre tour maintenant. Travailler la délicatesse pour obtenir une qualité de mouvement. Déléguer votre énergie pour donner vie à l’objet.

Passons au travail de manipulation des petits vers de terre en mousse. Une révélation pour Jade et Loïce qui comprennent immédiatement la délégation et invente une petite séquence marionnettique. Elles arrivent à traduire des émotions à partir de ce petit cylindre de mousse de 10cm.

 

La "coudure"

Ninon pendant ce temps est affublée de questions, comment ça marche ? La « coudure » c’est pas facile ! Nous avions préparé deux grands pans de drap sur lesquels nous avions écrit une des questions imaginées par les enfants lors de notre première venue. « Comment tu te sent qu'an tu fait de la couture ? » Les draps sont étalés au sol, sur chacun les cercles de couture sont en place. C’est le temps du choix de la couleur et de la matière du fil. Et voilà le moment le plus délicat : faire entrer chaque fil dans le chas de l’aiguille tout en contrôlant son impatience.

« Roméo ne plante pas ton aiguille dans le bras de Lise ! » dit la maîtresse alors que l’enfant est pris dans l’élan de son mouvement. Trop tard ! Dommage collatéral d’une expérience inédite.

Ce soir, pour la première fois, on dort chez une famille, celle de Lise. Ses parents nous accueillent chaleureusement. Ils nous ont préparé un lit, devinez où ? Dans l'atelier de couture de la maman ! 

Jour 3

Aujourd’hui, on fouille dans les sacs de tissu que les familles ont récolté. On met les enfants par groupe de trois et on leur en donne un morceau.

Il.elle.s doivent explorer cette matière, trouver comment lui donner vie. Certain.e.s se demandent où on veut en venir et d’autres sont impatient.e.s de s’y mettre.

Kyllian et Roméo, viennent me chercher, sur un ton d’urgence : « on a besoin d’une troisième personne Flavie ! et aussi de ciseaux pour faire un trou là et là ! » Leur marionnette prend vie. Les deux élèves, dont l’énergie débordante perturbe parfois la classe, se transforment et créent en trente secondes un spectacle d’une grande qualité. Toute la classe les applaudit.

On leur lit les scénarios qu’ils ont écrits.

La fin de matinée est très agitée. Ils se sont un peu trop attaché.e.s à leur marionnette, des querelles de propriété commencent « c’est la mienne t’as pas le droit d’y toucher » et des désirs de la rendre toujours plus jolie, plus réaliste les animent.

Pour moi, c’est un désastre, on s’éloigne dangereusement de l’idée principale de la marionnette pour se rapprocher du doudou, de la poupée... Comment les amener à considérer autrement la marionnette ? Comment les rendre acteur.rice.s de notre création ? Les a-t-on trop surestimé.e.s ? Avons-nous trop d’exigences ou pas assez ? Doit-on forcément passer par l’animation pour les fédérer ? Comment les fédérer à notre projet artistique sans répondre systématiquement à leurs attentes et amoindrir nos exigences en termes d’art (animation !) ? Comment peut-on les amener à ouvrir leur imaginaire et dépasser les idées préconçues lors des improvisations par exemple ? Faut-il reprendre les bases du théâtre avant d’entrer dans le vif de notre sujet ? Y-a-t-il une solution pour ne pas subir le nombre d’enfants ? Car ils sont 28, répartis sur 4 niveaux et il nous semble impossible de faire un travail de qualité avec un groupe aussi grand et hétérogène.

 

Nous commençons l'après-midi par de la relaxation. 

Ce temps calme porte ses fruits. La consigne est la suivante : sentir que sa main est autonome et peut guider tout notre corps, c’est elle qui dirige, c’est elle qui décide de coudre. Tout devient alors possible, on peut coudre l’air, coudre ses amis, son corps, ses vêtements... Leur précision est remarquable. Instant de poésie.

Nous finirons la journée par la découverte d'un conte du merveilleux recueil "Secrets d'étoffe" de Claude Fauque, Anne Lascoux et Charlotte Gastaut.

"Allez on file, à dans un mois !"