Ce projet est axé sur les relations entre le corps et l'espace. Tout en imaginant les possibilités de construction d’une architecture élargie, nous aborderons les échelles du corps pour percevoir les échelles du monde. Comment ce corps ressent-il les liens et les ruptures entre l'individuel et le collectif ; entre un lieu et un autre ? Il s’agira d’éveiller une écoute sensible aux espaces quotidiens environnants (la salle de classe, l’école, la rue, la ville) et leurs caractéristiques au travers de dynamiques, de jeux, de perception corporelle et d’interventions dans le paysage. En réactivant certains énoncés de performances classiques dans l'univers de l'art, nous nous interrogerons sur les formes d'organisation des espaces et nos relations avec eux.
Tous les jours, nous traversons différents espaces composés d'une multiplicité de caractéristiques ( formes, volumes, luminosités, sons ) et de relations ( personnelles, affectives, sociales, temporelles, culturelles ). Tout au long de nos vies, la plupart de ces espaces devient tellement familier que nous ne remarquons plus ces singularités ni la façon dont nous même nous nous adaptons à ses codes, son rythme, ses règles et ses fonctions. Pendant l'enfance, tous ces codes ne sont pas encore figés et l'espace est aussi un grand territoire de jeu. Comment pouvons-nous nous emparer de ce processus, en exprimant une plus grande liberté face au monde ? Est-ce possible de transformer un lieu avec nos corps et nos actions ?
C'est à travers le jeu, les dynamiques en groupe et la reprise d'énoncés performatifs que nous questionnerons l'espace et le temps, les possibilités de se repérer dans un contexte et de le représenter. Nous nous interrogerons sur les lieux qui nous entourent en cherchant à multiplier les formes de les interpréter et de les percevoir, en éveillant l’attention portée aux cinq sens et à une série d'éléments moins saisissables qui composent la notion d’espace, tels que la mémoire, l'imagination, l'histoire, la cartographie, et les relations socio-politiques entre autres.
Nous passerons du corps à l’espace, de l’espace au déplacement en explorant les possibilités de parcours à l’intérieur de l’école. Au fur et à mesure, différents éléments - textes, récits, sons, dessins, objets - seront apportés dans le but de tisser de nouvelles relations avec le terrain visité. Ce sera la possibilité de croiser et faire dialoguer des éléments appartenant à un autre espace, à une autre narration ou à une autre temporalité. Il sera question de créer de nombreux aller-retours entre ce qui est perçu dans la ville, la rue, la maison, le transport et dans l'espace de l'école. Ces déplacements, subjectifs ou adjacents, nous permettront de créer une complexité de paysages à l'image d'un labyrinthe.
Ces expériences nous permettront de soulever les questions suivantes : qu’est-ce qu’une ville ? Qu’est-ce qu’une maison, une école, une place publique ? Comment et pour quelles raisons nous utilisons ces espaces ? Comment nous passons d’un territoire à un autre ? Qu’est-ce qu’un parcours ? Ensuite : comment modifions-nous l’espace qui nous entoure ? Qu’est-ce qu’un lieu imaginé ? Quelles sont les couches d’histoires qui composent un lieu ? Quelles sont les différences entre les concepts d’espace, de territoire et de lieu ?
Dans un premier moment, nous aborderons la prise de conscience du poids, de la verticalité, du regard, de la respiration pour explorer les caractéristiques d’un premier espace simple, telle qu’une salle de cours. Mesurer l’espace avec le corps : les pas, les mains, les doigts, le regard. Exercer une influence sur le paysage grâce à des objets élémentaires ( miroirs, bobines de fil, craie ). Percevoir ses dimensions, volumes, distances, textures, luminosité, bruits, température en portant une attention spéciale à la notion d'écoute. Faire varier le rythme de la marche, la façon d’occuper l’espace ou de réaliser des petites actions pour le modifier (ouvrir une porte, fermer une fenêtre, déplacer un objet, claquer ses mains, siffler). Observer le mouvement du groupe, comment ma relation avec l'autre se modifie pendant ce déplacement et, par conséquent, comment l'espace se transforme par les actions du collectif, en abordant ainsi la notion de polyphonie. À travers l'écoute et la production du son, un moyen éphémère et accessibles à tous, nous pourrons évoquer les notions de temporalité et de perméabilité des espaces. Nous explorerons les bruits et les rythmes produits par des actions quotidiennes et des objets présents à l'école, tout en observant les contrastes sonores d'un même espace, selon l'usage, aux différents moments de la journée.
Ce travail sera accompagné d'une découverte de l'univers de la performance. Nous adapterons et rejouerons des dynamiques inspirées de performances connues, en introduisant des pratiques de différents artistes aux élèves ( parmi quelques exemples possibles : 'Mesurages' d'Orlan ; 'Caminhar' de Lygia Clark ; 'A Line Made by Walking' de Richard Long ; 4'33 de John Cage ; 'Oblique Strategies' de Brian Eno ; Allan Kapprow ; Bruce Nauman ; Trisha Brown… )
En gardant cette écoute du corps et de son rapport à l’environnement, il sera possible d’explorer différentes parties du bâtiment de l’école : l’intérieur et l’extérieur, les couloirs, les salles, les escaliers.
Passer d’un espace à un autre, créer différents parcours entre eux, différentes façons de les relier. Nous nous approprierons des actions et des performances pour les transformer en fonction des différents endroits visités. Nous pourrons, ainsi, développer, des cellules performatives collectives et/ou individuelles, des règles d'un jeu inventé, des interventions surprises.
À partir des récits personnels (d'un parcours réalisé de la maison à l’école, d'une scène vue dans la rue, d'une histoire vécue à un endroit, d'un lieu imaginé...), nous introduirons d'autres éléments dans l'espace : des références des textes littéraires ( à titre d'exemple Perec, Borges, Calvino) ; des plans et des cartes, des dessins, des images...
Ce sera aussi l’occasion de travailler avec la photographie. Nous aborderons la différence entre prendre une photographie et en regarder, entre regarder un lieu et regarder une image d’un lieu. Pouvons nous épuiser les points de vue sur un même endroit ? Quels sont les caractéristiques qui peuvent et qui ne peuvent pas être photographiées ? Quel est le rôle de la mémoire et du regard dans la transmission ? Quels sont les différentes possibilités de créer une archive en dialogue avec l'expérience éphémère de la performance ?
Ensemble, nous réfléchirons à la création d’une performance d'un jeu collectif ou une déambulation qui relierait les dynamiques réalisées et les éléments travaillés. Une partie de ce travail engagera aussi la production d’une documentation de l’action, les possibilités et le choix du format de cette archive. Nous aborderons la différence entre agir, regarder et documenter, ainsi que les multiples points de vue rendus possibles par les archives produites.
Par le(s) artiste(s)