Les pierres qui parlent

Les pierres qui parlent : Sages monuments qui murmurent d'extraordinaires histoires du territoire. La légende se propage et vole discrètement d'un habitant à l'autre. Se tenir au fait des bruits des pierres est un enjeu de taille pour tout pouvoir soucieux de la magie qui court.

Que se passe-t-il quand tout à coup on prend le large ?

Quand d'un coup, d'un seul, une simple petite histoire qu'on nous raconte à l'oral commence à éclairer notre espace quotidien, à dessiner de nouveaux contours au territoire que l'on croyait machinalement connaître.

Que se passe-t-il lorsque les lieux que nous empruntons quotidiennement se parent d'une autre dimension ?

Imaginons ce qui se passerait si on lui découvrait que notre territoire regorge de légendes et trésors fantastiques.

Peut-être que nos lancinantes marches pour aller au travail ou à l'école se transformeraient en chasse aux empreintes, peut-être que nos regards pour l'éternel passant seraient plein de tendresse. Peut-être qu'a quelques pas de la ville s'étendrait une immense forêt à qui l'on ne prêtait jusqu'alors pas d'attention. Probablement que rares seraient les promeneurs qui oseraient s'y aventurer car le chemin serait long. Plausiblement que la nuit, d'étranges espaces s'y dessineraient ; les arbres se transformeraient en forteresse de béton, les chouettes prendraient corps dans de poilus géants et des centaines de portes en verre commenceraient à se déchaîner sur le ciel étoilé. Lorsque la lune se ferait pleine, le sol brûlerait si fort, que la terre se retournait et formerait un paysage de troncs pierreux. La légende s'y installerait et raconterait que ces vieilles architectures chuchoteraient aux plus vigoureux, des histoires extraordinaires du territoire.

Peut-être qu’on les appellerait « les pierres qui parlent » et qu'un léger pétillement du fond de notre gorge nous donnerait envie de les rencontrer. 

Notre projet Les pierres qui parlent témoignent de notre envie d'écouter, de faire parler et de révéler la magie, les singularités et l'identité d'un territoire. Comme un calque apposé au monde tangible, nous partirons avec les enfants à la conquête et reconquête de leur paysage quotidien. Le projet se doit de réactiver les petites légendes locales, charger le commun de magie et modeler avec les enfants un imaginaire de proximité dont ils seront les acteurs et nous les passeurs.

Notre réflexion démarre avec le constat que les petites histoires tendent à être remplacées par les grandes. A l'image de notre réalité, peu à peu nos imaginaires se mondialisent. Lorsque nous parlons de territoire si petit soit-il, nous prônons les richesses du proche, nous révélons le présent, tissons avec ce qui est déjà là.

Nous commencerons notre travail par une lecture approfondie du territoire. Nous organiserons des sessions d'exploration, des entretiens avec les habitants et partirons à la recherche des petites et grandes histoires qui ont fondé ces lieux.

Nous souhaitons ancrer notre territoire de recherche à un imaginaire qui lui est propre, qui fonde son identité et responsabilise les enfants au regard des espaces qu'ils parcourent. Ce projet est abordé comme mémoire collective, encourageant une réflexion sur le rapport au concept d'identité et de transmission. La création d'une légende collective sera aussi l’occasion de promouvoir une culture architecturale attentive aux enjeux de l’environnement, de la protection du paysage et du patrimoine.

Nous souhaitons que les enfants prennent conscience que la connaissance et l'intérêt qu'on peut porter à un territoire est davantage une façon de poser son regard sur les choses qu’une technicité. Le projet vise à sensibiliser les élèves à la fabrication de leur territoires et cadre de vie en leur permettant de prendre part à l’intégralité du processus de création.

Par le prisme d'histoires locales ou de récits fictifs que nous créerons à partir d’éléments forts du site, il s'agit d'offrir aux enfants un regard onirique et aimable sur leur paysage quotidien. Nous leur proposerons de raconter leur territoire à travers le dessin, l'écriture et le corps. Nous ferons d'incessants allers-retours entre investigation, création et expérimentation en mêlant la gravure, le théâtre (nous travaillerons en collaboration avec la compagnie de théâtre de la Rousselle à Bordeaux) et des randonnées expérimentales dans l'école et sur les lieux emblématiques du récit. La gravure, l'empreinte seront d’une grande importance dans la conception du projet. Elle seront abordées comme des outils capables de communiquer, de libérer la création et de laisser une marque, comme une identité au territoire.

Au fil de nos interventions et de nos recherches, nous introduirons de plus en plus d'éléments à l'histoire. Il pourra s'agir d'un nouveau personnage, d'un autre médium de création ou nous demanderons simplement aux enfants de transmettre à la manière du téléphone arabe, l'histoire à d'autres camarades. Nous renforcerons alors son aspect mythique et ferons comprendre aux enfants la manière dont se créée une légende.

Les illustrations du livre seront réalisées sous notre direction et nous affinerons au maximum la limite entre fiction et réalité.

Il restera une expérience spatiale et pédagogique nourrie de photographies, de randonnées, de mots, de gravures et surtout un livre illustré qui témoignera d'une expérience collective et artistique.             

Les enfants pourront être fiers de dire qu'ils l'ont écrit et le transmettre par la suite aux plus jeunes pour que cette histoire vive de classe en classe.