J'ai à cœur de créer une véritable passerelle entre mon univers artistique et ce projet de transmission en travaillant à partir du chef d'oeuvre de la Tapisserie de l'Apocalypse qui se trouve à Angers et que nous aurons le plaisir de visiter. Son histoire, sa symbolique et sa composition vont guider les enfants dans la conception de quatre créations communes sous la forme de grandes cartes graphiques mêlant travail plastique autour du dessin, des formes, de la couleur, mais aussi sous forme littéraire, photographique et sonore.
Comme sous-entendu dans le titre du projet, durant cette résidence de création, nous nous intéresserons à comprendre ce qu'est la violence et la force des plus forts sur les plus fragiles. Nous nous poserons des questions sur l'origine d'un mot ou d'un acte violent et tenterons de déterminer ce qui pousse les Hommes à l'être. Leurs regards d'enfants permettront de mettre en place un dialogue riche sur un sujet qu'ils connaissent parfois, trop, à savoir le harcèlement à l'école.
Comme dans les contes, il y a le héros, le méchant, celui qui aide le héros, un objet et une force magique. Malgré ce que va endurer le héros pour réussir sa quête, le chemin qui le mènera jusqu'à la fin du récit, reste le plus important. Les enfants mettront en lumière que dans chaque situations compliquées, rien n'est jamais perdu grâce à ses qualités et ses valeurs, celles que l'on retrouve chez les héros.
*Le titre du projet est en référence directe à l'ouvrage éponyme d'Olivia Rosenthal, Mécanismes de survie en milieu hostile (Collection Verticales, Gallimard, 2014)
Je cherche à saisir et donner à voir la vie dans sa complexité. Celle d’être aux prises avec la vie et la mort, le temps, la souffrance et le bonheur. Avec intensité, je tente de recréer des expériences de ma vie qui sont les plus importantes pour moi au moment présent.
Face à un monde violent, brutal, sauvage et parfois criminel, je voudrais accorder la possibilité de transmettre du vivant. Ce n’est pas une apologie de la cruauté, mais seulement une représentation de l’énigme qui se place entre les deux mystères du monde, la vie et la mort.
Mon principal défi se trouve directement dans le sujet que je recrée, il s’agit de le rendre aussi fort qu’on le trouve dans la vie, aussi important qu’il me permet d’être apaisée. De la même manière que les figures sacrées représentées dans les peintures des maîtres, j’apporte un profond attachement à représenter mes proches et moi-même de la façon la plus expressive sur la toile, le bois ou le papier. Francis Bacon disait que la force doit être congelée dans le sujet. C’est tout à fait juste, au regard de l’émotion qui s’échappe de moi dans l’acte de créer.
Il s’agit pour moi de m’emparer des angoisses de notre siècle en y glissant une lumière si éblouissante qu’elle rend chaque jour qui passe, plus facile, plus tendre et incroyablement beau.
Le 06 avril 2017, paraissait en Une du magazine Libération, une photographie titrée « Les enfants d'Assad ». Cette photographie a été vivement critiquée par son caractère horriblement réel mais aussi terriblement esthétique et envoutant. On y voit des corps d'enfants allongés les uns sur les autres, et mis en lumière à la manière d'une peinture flamande. Un massacre des innocents contemporain qui ne m'a pas laissée sans peine ni effroi. Cette violence actuelle et universelle me pousse à représenter ces êtres blessés dans de grands dessins mais aussi en peinture.
Ce projet de résidence dans une école me permettrait de développer deux axes uniques.
Le premier est lié à la mise en scène. En effet, les ateliers de transmission avec les enfants et le simple fait de les rencontrer et de travailler avec eux durant six mois me donneront matière à de nouvelles formes de descriptions de la figure humaine. Mon projet "Mécanismes de survie en milieu hostile" en référence au livre d'Olivia Rosenthal, a pour sujet, l'humain, dans ses représentations les plus difficiles car la colère est partout, portée par nos guerres, nos conflits politiques et religieux, nos différences ou nos attirances. Elle se retrouve par exemple dans les cours d'écoles avec le harcèlement scolaire ou bien dans les foyers avec les femmes ou les hommes battus. Ayant enduré enfant des situations difficiles face à la méchanceté des plus « forts », je souhaite que mon projet de résidence envisage différemment ces actes que la plupart des enfants ont forcément vécus à un moment ou à un autre, de près ou de loin dans leur vie personnelle ou publique (à l'école notamment). Les ateliers seront un lieu d'échanges et de débats qui permettront, en se basant sur un travail plastique et d'écriture, de recréer des mises en scène jouées dans différents espaces de l'école sous la forme d'une enquête graphique. Les plus jeunes héritent de la (parfois) folle méchanceté humaine léguée aux générations futures avec laquelle ils doivent vivre et se battre car celle-ci nous est exposée avec une facilité déconcertante qui ne nous permet plus de nous protéger de toutes ces images. Mon travail personnel dans ce dispositif Création en Cours, sera de mettre en lumière tout ce dont ces enfants m'apporteront dans la récolte de leurs paroles et de leurs productions plastiques.
Le second axe est lié à la technique. La peinture à l'huile, que j'ai commencé depuis le mois de mars 2019, sera le moyen plastique pour m'exprimer pendant cette résidence. J'ai découvert la peinture très récemment lors d'un séjour passé dans l'atelier berlinois d'Axel Pahlavi et de Florence Obrecht, tous deux artistes. Ils m'ont offert la grande chance de travailler près d'eux et d'apprendre de leurs gestes et de leurs techniques. La peinture d'Axel Pahlavi est d'une générosité immense avec beaucoup de grâce dans ses compositions et ses personnages qui lui sont toujours très proches. A ses côtés, j'ai découvert un médium qui prend aux tripes et que je souhaite exploiter durant ce temps de création. Le confort matériel que m'offrirait cette résidence me permettra d'engager pleinement cette pratique dans la continuité de cet élan créatif nouvellement amorcé.
Je souhaiterais utiliser ce temps de création plastique comme un point de départ unique avec de nouvelles perspectives dans mon travail. Ces six mois me permettront d'aborder la question de la représentation scénique en peinture en m'appuyant non plus sur mes propres souvenirs mais sur ceux provenant des enfants. En parallèle de la peinture, j'envisage une restitution éditoriale illustrée des histoires qui seront évoquées. Garder une trace est important pour moi. Mon travail plastique se poursuivra ensuite sur un plus long terme car je souhaiterais tirer le maximum de cette expérience unique.
Cette résidence m'offrirait aussi la possibilité d'aller découvrir ou redécouvrir des lieux qui m'ont nourrie pendant mes études aux Beaux-Arts et qui viendront appuyer mes recherches. Par exemple, la tapisserie de l'Apocalypse à Angers, que j'ai découverte en 2017, est un chef-d'oeuvre que je souhaiterais particulièrement revoir pour en tirer de nouvelles perspectives de travail et que je voudrais faire découvrir aux enfants dans le cadre de leurs ateliers dont le sujet est lié.
J'ai à cœur de créer une véritable passerelle entre mon univers artistique et ce projet de transmission. Comme dans mon travail, la narration mais surtout l'histoire sont très importantes et je souhaite que tout fusionne.
Par le(s) artiste(s)