Potentiel festival

« Il n’y a de jeu que si le joueur le décide. »

Gilles Brougère

Si le joueur choisit de s’immerger au sein de ses règles, il accède aux potentiels d'un jeu. Abaisser le levier d’une machine à sous, gratter un ticket au comptoir ou cocher les cases d’un billet de loto, c’est être potentiellement riche. C’est déjà dessiner les plans de sa villa en bord de mer. Sans ces images de l’esprit, le joueur ne joue pas. Et tant que le dé roule, que les cartes sont face cachée, le joueur est peut-être riche ; sortir du casino ou du bar-tabac, c’est renoncer à cette autre vie. Le vertige, celui de la folie, du désordre, c’est aussi l’entrée vers un monde autre, c’est la promesse d’un exutoire. C’est également l’ivresse du jeu, le vertige insoutenable de l’attente du résultat et, justement, de la potentielle victoire.
Le simulacre enfin, est l’intermédiaire vers tous les potentiels. Simuler, c’est prétendre qu’une apparente réalité — qui ne renvoie à aucune réalité sous-jacente — vaut pour cette réalité-même. Celui qui fait semblant a accès à tous les potentiels. Il peut choisir, armé de son imaginaire, de voyager, dans l’espace et dans le temps, d’incarner un autre, un objet, de changer de genre, d’âge, de passé, de présent et de futur. Le temps d’une vie éphémère, contenue entre la naissance et la mort, sur le territoire fini de la planète Terre, quoi de plus jouissif qu’un terrain dilaté, à l’espace-temps infini ? Ce qui m’intéresse, c’est cet imaginaire, cette source inépuisable et, paradoxalement, cette denrée rare : elle reste le monopole de l’enfant, qui n’a d’autre contrainte que celle de la nourrir. L’adulte lui, la délaisse au profit d’activités plus rentables. Je cherche à mettre en valeur ce rôle indispensable et déterminant du joueur, sa capacité à jouer le jeu, à s'immerger au sein de surfaces, de volumes ou d'espaces, à y projeter son imaginaire.