2 - Le pont mégalithique

Deux semaines après ma première venue, de nouveaux livres ont rempli ma valise.

Après les avoir parcourus ensemble, ceux qui le veulent peuvent passer un peu plus de temps à les feuilleter. La précaution de certains élèves et le temps qu'ils prennent ensemble sur chaque image sont beaux à voir. Par le temps de leur regard, ils donnent aux images une valeur, un espace que leurs gestes partagent. De l'écran d'ordinateur aux images sur le mur, je leur montre comment j'ai réalisé mon propre livre "L'instabilité des phénomènes" : le travail invisible de la maquette, le choix d'enchainement des textes et des photographies.

Le mercredi, c'est le jour de la prise de vue. Nous partons à pied jusqu'au pont mégalithique. Le lieu a du charme : de belles pierres, une rivière qui traverse un bosquet, le soleil qui s'y reflète et se prend dans les arbres. Sous l'effet du printemps, la végétation se transforme. Un appareil entre les mains, les enfants tentent d'en saisir l'éclat. Ils faut apprendre à tourner autour, à s'approcher, à s'accroupir pour trouver le bon angle, celui qui transformera en image ce qui est d'abord une attirance et une intuition. Garry Winogrand l'a formulé le plus simplement du monde : "Le fait de photographier une chose change cette chose... je photographie pour découvrir à quoi ressemble une chose quand elle est photographiée."

Deux semaines après ma première venue, de nouveaux livres ont rempli ma valise.

Ces images se retrouvent sur des planches contacts, et c'est déjà la première séance d'editing. Devant les tirages de lecture, il faut faire des choix, commencer à distinguer les images belles et les images étonnantes, les images dynamiques et les images contemplatives, les images presque réussies mais qu'il faut abandonner et les erreurs surprenantes qu'on pourrait garder. Nous sommes le 24 mars.