le panda sous la pluie

Accepter l'éphémère ?

Publié par Charlène Dominguez

Journal du projet
Arts visuels Photographie Scénographie, Peinture

Faire la pluie et le beau temps

Samedi, midi à peine: Jean et sa famille sont venus en avance! Alors que je suis en train de finir l’installation, je lui demande d’expliquer le principe de l’exposition à ma place. Après tout, il sait en parler aussi bien que moi! Inès, Ilona et Maëlys aussi ne m’attendent pas pour guider leurs parents à travers le parcours. Et, plus tard, Charline se chargera même d’emmener la représentante de la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes avec elle en lui racontant notre histoire. On parle d’initiatives culturelles avec les parents de Jeanne. Comme moi, les parents ont envie que ça bouge pour leurs enfants.

fin
la fin du parcours sous les parapluies

Dimanche, c’est une toute autre affaire: à 14h, toutes les familles se sont abritées de la pluie dans la salle polyvalente, attendant le début de la kermesse. Après le spectacle, les CM et moi les emmèneront à la Micro-Folie pour suivre le parcours avec nous. Mais vont-ils nous suivre avec ce temps? Je vois les CM un peu intimidés sur scène et, moi aussi, j’ai la boule au ventre comme à mes premières kermesses.

Puis c’est à mon tour de monter sur scène, prendre la parole devant tout ce petit monde avant de foncer à la Micro-Folie avec les enfants, distribuer les textes et les drapeaux au public et vérifier que tout le monde est à sa place. Le parcours commence et se termine aussi vite, on est trempés du début à la fin mais tout le monde a assuré! 

observation
le public découvrant les anamorphoses à travers les trous dans les panneaux

A mi-chemin entre le garage et la forêt, une mamie m’a abrité sous son parapluie. Puis un papa a pris le relai. On a discuté en chemin, entre deux lectures des enfants. On était trop nombreux pour tous entrer dans la Micro-Folie, alors certains ont simplement pris le temps de regarder les recherches, de comprendre tout le travail qui avait été fait. De suivre à leur rythme, de s’arrêter pour observer les anamorphoses.

explications
moi expliquant au public les différentes techniques utilisées pour construire des anamorphoses

Et, après le parcours, de nous laisser un post-it avec le nom de leur objet porte-bonheur, ou un avis sur l’exposition. D’autres ont même profité de la pluie pour rester un moment à l’intérieur et poser des questions, sur la technique surtout:

« Comment je fais si je veux dessiner des anamorphoses chez moi? »

Les anamorphoses ont eu l’effet magique que nous voulions leur donner. Plusieurs parents aimeraient pouvoir revoir cette exposition une autre fois, sans la pluie. Voir dans un autre lieu? Pour ma part, je pense qu’elle a du sens ici, en présence des CM qui l’ont fait exister. Peut être que j’ai trop accepté le côté éphémère d’une exposition. Je décide de rêver un moment de pouvoir exaucer leur souhait. Une maman me souffle l’idée de proposer le parcours pour des chemins de randonnée. Je trouve cette idée très belle.

Ce qui est sûr, c’est qu’il sera plus difficile pour moi de dire adieu à cette exposition qu’à mes 20 équipiers demain.

vue d'ensemble
vue de l'intérieur de la Micro-Folie lors de la restitution
cadeaux
les petits mots, dessins et chocolats surprise offerts par toute la classe et maîtresse Laura

Laisser une trace sur notre passage

Mais alors, qu’est-ce qu’on va garder de cette exposition? Nous avions préparé des drapeaux de notre pays imaginaire pour les donner au public.

J’avais imprimé un livre avec notre histoire illustrée par les anamorphoses pour les CM, en laissant un petit mot à chacun et chacune.

Ce que je n’avais pas prévu, c’était qu'eux aussi m’avaient laissé des petits mots, soigneusement rassemblés dans une jolie carte décorée et complétée par plein de dessins.

C’est avec la voix qui tremble que je leur conte mon expérience avec eux, mes peurs au début, mon étonnement face à leur soif d’apprendre — qui m’a valu de revoir mon programme plusieurs fois pour aller encore plus loin avec eux, ma fierté pour tout le chemin qu’on a fait ensemble, et cette confiance réciproque qui fait toujours les plus belles collaborations artistiques.

J’ai entendu à la kermesse que beaucoup souhaitaient ramener leurs anamorphoses à la maison. Et je me suis fait une raison depuis hier soir: non, cette exposition ne sera pas remontée, alors pourquoi la garder pour moi? La différence de taille, de support et donc d’encombrement des différentes anamorphoses me pose question quand à l’égalité et au partage. Puisque toutes et tous m’assurent avoir la possibilité de venir chercher la sienne avec ses parents, j’accepte de leur laisser. L’exposition sera disséminée dans chaque maison, pour le plus grand plaisir de mes propres parents, qui ne la verront pas s’entasser chez eux.

Il nous reste une décision à prendre: que va-t-on faire de la maquette. Je savais parfaitement qu’il n’y aurait pas assez de place pour la stocker à l’école, et nous ne pouvons pas la laisser à l'un d’entre nous.

« On devrait la laisser au musée avec une vitrine transparente pour la protéger! »

Il ne m’en faut pas plus pour que cette proposition ne devienne une obsession. J’envoie un message au maire, en croisant les doigts pour que cette maquette continue d’exister à la Micro-Folie, de laquelle je ne l’ai pas encore ramenée — peut être par intuition? Le maire me dit que c’est une bonne idée, qu’il nous faut réfléchir ensemble à un moyen de la mettre en valeur et de la conserver.

Alors moi, en quittant l’école de Couzon, je me dis que, même après l’exposition, tout n’est jamais tout à fait fini.

maquette exposition
la maquette exposée à la Micro-Folie