Épidémie dansante

Épidémie dansante

Publié par Cecilia Galli

Où l’on se demande si l’on est atteint de la même maladie que les Strasbourgeois en 1518.

En juillet 1518, des habitants de Strasbourg furent pris d’une drôle de manie : un beau jour, quelques habitants commencèrent à danser dans les rues de la ville, sans pouvoir s’arrêter. Une grande partie de la population fut atteinte, et pendant près d’un mois on put observer ces corps frénétiques envahir la ville.

 

L’école Pamandzi 5 serait-elle atteinte du même mal ? Le vendredi 10 mai 2019, plusieurs classes se rendent place du Congrès de Pamandzi, où a lieu un festival de danse inter-écoles, pour aller acclamer les élèves de CP de M. et R. qui présentent leur chorégraphie “Les monstres de Mayotte”. Nous avions été conviées à une répétition et avions hâte de voir se déployer sur une grande scène la danse des savants fous, des monstres et des musiciens.

Nous nous installons sur la place pendant que les petits artistes se préparent, et les souvenirs d’autres danses et d’autres musiques remontent du bitume.

 

Deux semaines plus tôt, nous étions déjà là. C’était le jour de la commémoration de l’abolition de l’esclavage et  nous avions observé une ribambelle de danses traditionnelles : le debaa envoutant et ses gracieux mouvements de bras ; le chigoma rythmé au sifflet et les ondulations de ses écharpes ; le chakacha rebondissant, masheve  aux chevilles ; le dahira, comme une prière, torses se balançant d’avant en arrière… Et puis plus tard, dans l’ambiance informelle de l’après-midi, le m’biwi, dans lequel les femmes se défient les yeux dans les yeux, depuis les vibrations de leurs hanches, alors que tout autour c’est une symphonie de claquements de bambous.

 

A présent, les quatre classes qui se présentent rivalisent d’inventivité : il y a des rondes, il y a des acrobaties, il y a des solos, des duos et des farandoles… Nos camarades n’iront pas en finale, mais nous restons tous enthousiasmés par les chorégraphies que nous avons vues. Le chemin du retour est une véritable procession chantée et dansée, et une fois à l’école, il est compliqué de s’arrêter. P. nous demande si on peut conclure la matinée avec un petit atelier de danse pour sa classe de CP. Nous dégainons notre enceinte, et construisons une ronde. Après avoir huilé nos articulations, nous venons tour à tour au centre de la ronde pour offrir une danse à un camarade. Que de beaux cadeaux ! Puis nous improvisons avec quelques consignes : des mouvements de bras, des sauts, des déplacements très près du sol ou sur la pointe des pieds, en passant entre deux corps sans se cogner, dans tout l’espace ou en traversées… Nous concluons par un rituel magique : assis par terre en cercle, main dans la main, nos énergies sont connectées. Inspirer pour prendre des forces, expirer notre souffle chargé de chaleur au centre de la ronde. Se saisir de cette matière pour s’en recouvrir le visage, comme un maquillage de guerriers, et se faire la promesse de danser tout le week-end. Les jours suivants, il apparait que l’envie de danser en chatouille beaucoup. Quand nous sommes à l’école sur l’horaire des récréations, se crée une nuée de bras et de jambes qui ne demandent qu’à danser. Un chef d’orchestre propose un mouvement, repris par la foule en délire, puis un autre chef d’orchestre, puis un autre, et encore un autre. Il n’y a que la sonnerie qui puisse nous stopper.

grossir les rangs...

épidémie de danse à Pam5