Dorine Mokha, danseur et chorégraphe congolais est invité à participer à une étape de travail de la création Voix intérieures. L'artiste nous raconte son expérience du 3 au 8 avril à Bourmont.
Après 7 minutes de marche, 2 heures dans le train, 3/4 d'heure de route, nous voilà arrivés à Bourmont, selon nos hôtes nous avons amené avec nous le soleil, et oui : il faisait beau. Le soleil était bien présent, intensifiant la verdure et les couleurs de fleurs pour nous offrir une vue panoramique assez magnifique, la nature, la tranquillité, pas de rues râleuses, pas de métro ni de RER, pas de bouchons, pas de panneaux et écrans publicitaires… Voilà, assez de tout ça pour intensifier les relations humaines et s’ouvrir à de nouvelles expériences. Alors aux tiroirs nos habitudes des grandes villes. L’accueil est chaleureux : quelques bises, des poignées et des boissons chaudes, des sourires rayonnants, et surtout la surexcitation des élèves qui savaient que notre arrivée annonçait la succession de quelques pas de danse, une montée d’adrénaline, auxquelles ajouter la joie de partager un espace avec les autres, consommer l’art et la culture, briser quelques barrières, s’exprimer avec son corps, apprendre à communiquer autant par la parole, le toucher et le regard.
L’intervention commence, comme toujours par un échauffement collectif et finit par l’apprentissage et la maîtrise d’une chorégraphie qui tente de résumer toutes les matières et exercices proposés lors de la séance. Et souvent drôle et instructif à la fois, leur exercice préféré était le jeu du ‘Samouraï’, qui mêlait bien engagement physique, jeux vocaux, concentration, mémorisation et esprit de compétitivité sinon le développement de l’instinct de survie. En position, 3, 2, 1, c’est parti: « Ih, Ah, Oh» - Ih, Ah, Oh… Ils rient et s’amusent, mais surtout apprennent, se surpassent, se frottent entre eux et se découvrent, et Yves les encourage, les stimule, les bouscule un peu, offre son savoir et passion, et je suis là tantôt observateur, tantôt participant, tantôt son assistant. Et tout ça c’est l’avant midi du premier jour et il va bientôt être 12h, faut déjeuner…
Et c’était comme ça tous les jours: réveil à 6h, petit déjeuner à 7h, 3 heures d’intervention dans différentes classes l’avant-midi à partir de 9h, déjeuner, puis l’après-midi 4 heures de travail juste entre Yves et moi... Sacré rythme ‘sport’, et oui c’est aussi ça l’art, un engagement, un travail, une passion partagée, une recherche..., oui et dans notre cas: ‘une création en cours’. Durant notre séjour, nous avons eu aussi à discuter avec les collégiens, des internes sont venus assister à l'une de nos séances à huis clos, puis individuellement nous avons parlé de nos parcours aux 3 classes de 6e dans le cadre du « projet avenir », et ensemble avons échangé avec les élèves de 3e, répondant ainsi à toutes leurs questions, ça a été un échange intéressant et inspirant.
Ce temps d’interaction durant laquelle chacune de parties pouvait oralement s’exprimer était l’un des plus forts de la résidence à Bourmont. Mais la performance offerte le dernier jour de notre séjour, l’était encore plus…
Près de 20 minutes de danse dans la cour du collège Louis Bruntz, une vraie ‘création en cours’, et jamais les collégiens n'avaient été aussi silencieux dans cette cour parloir.
« Ils nous encerclent à notre demande, la bande son est lancée, on prend place, la performance commence et comme par un coup de baguette magique le silence règne,
Notre audience nous regarde, observe, s’interroge, leurs yeux sont remplis de curiosité, chez eux l’attention se fait ressentir et chez nous, l’énergie monte,
Une marche commence sur les bords d’un triangle imaginaire, puis nos corps s’immobilisent, nos genoux se plient légèrement, de l’intérieur nos ventres bouillonnent
Et vite cela parait sur l’extérieur, et oui nos voix intérieures avaient déjà pris la parole… »
Pour en savoir plus sur cette performance, nos spectateurs vous en diront bien plus,…pour ce qui nous concerne, nous avons peint un tableau dont chaque détail a marqué différents chacun des esprits de cette centaine de collégiens qui n’ont pas tardé de nous faire part de leur leurs impressions à la fin après des longs applaudissements, tout l’honneur était pour nous d’avoir pu les marquer et laisser nos traces dans ce collège situé à 300 km de la maison de Yves et près de 10.000km de la mienne. Sacré chemin, sacré parcours, sacré moment, sacrée création en cours…
Puisque je pense que «L’Art, c’est aussi la capacité de parvenir à toucher les gens, même juste l’instant d’un battement de cil », nous avons rempli notre mission.
Par Dorine Mokha