Vue de l'atelier, grande salle couverte et chauffée, lumineuse. Avec une vue à 180° sur la cour.

1- Prélude

Publié par Sarah Penanhoat

Journal du projet

La première fois.

La première fois que je suis arrivée, le 9 décembre, pour qu'on se rencontre tous, s’il fallait l’admettre, je n’étais pas sereine. Trente enfants !

En cherchant la classe de CM1-CM2, je passe sans faire exprès devant, la dépasse ; le nom inscrit sur l'ardoise et le niveau, CM1-CM2, me font revenir en arrière ; au même moment, j'entends une petite voix, suivie de deux trois échos : "MAÎTRESSE ! Je crois que c'est Sarah qui vient de passer !"

Au vu de l'accueil qu’ils m’ont réservée, avec leurs grands sourires, quelquefois troués et marrants, leur enthousiasme, et aussi, une timidité, une certaine appréhension face à une probable difficulté dans les activités à venir, et bien, je me rends compte qu'ils sont plus inquiets que moi. On discute de la première partie des Géants. C'est là qu'ils me font part de leurs peurs, avec en number one : il y aura des notes ? ils vont être "forts" ? Certains sont très bavards, d'autres, silencieux, se contentent de me regarder en souriant de toutes leurs dents.

Ce jour-là, je rencontre aussi l’équipe pédagogique avec qui je vais travailler : Corinne, l’enseignante, qui leur avait parlé dans les grandes lignes de ma venue et du projet. Nous avions déjà vu comment on pouvait s'organiser pour l'emploi du temps, comment est faite la géographie autour de Signy, et de l'ambiance qu'elle a réussi à créer en classe, soudée et amicale. Je rencontre aussi Xavier, le directeur de l'école et enseignant (comme c’est assez courant en école implantée en zone rurale), cette année, aux moyennes sections, ainsi qu'Anne, la coordinatrice pédagogique.

Anne fait le lien entre les écoles, l’enseignement, et les projets artistiques qui se développent dans le département des Ardennes. Création en Cours en fait partie. Elle connait donc bien tous les aspects du programme : Education Nationale / Ministère de la Culture et pourra m’aiguiller sur ce que je peux et ne peux pas faire, et dans les possibilités de travailler avec des institutions régionales.

La temporalité de l'école m'immerge dès les premières minutes ; récréation, un CE1 qui arrive avec un petit mot pour faire des photocopies en salle des profs. On discute ensemble de l'organisation des mois à venir, du lieu que je pourrais utiliser lors de mes venues et d'espaces de stockage entre les deux. J'ai l'impression que tout est possible. 

Puis, on parle de mon emploi du temps prévisionnel. Face à mes volontés de faire des « cours magistraux » d’une heure ou deux où ils peuvent prendre des notes, Anne me fait comprendre que si je fais ça, la motivation dont je viens de parler va être tuée dans l’oeuf. Il faut rentrer dans le vif du sujet. A neuf ans, si on ne fait que de l’histoire de l’art et de la théorie pendant une semaine, avec un mois de battement, ils vont se décourager.

Leçon numéro 1 : leur donner du grain à moudre, les séduire pour qu’ils en veuillent plus.

Dans la nuit qui tombe, je repars en voiture vers Lille. J'ai hâte de commencer.