Rêver l’habiter

L’espace pavillonnaire unifamiliale, rêve de nombreuses familles, correspond à la définition d’une vie idéale dont l’image est trop souvent associée à un système normatif. Nous avons tous en tête les maisons représentées à la télévision, au cinéma, dans les films et les séries ou encore dans les magazines. Les maisons Levitt, implantées aux Etats-Unis dans les années 50 puis transposées en France, à Mesnil-Saint-Denis, en représentent la quintessence. C’est à partir de ce quartier des Yvelines que je souhaite travailler durant cette résidence. Sur cette image idéalisée et uniforme d’habitation économique et standard qui a pris place dans l’imaginaire collectif. 

Les habitations Levitt proposent ainsi une offre d’un genre nouveau. A proximité de la ville se trouve un paradis urbain, accessible à crédit. Ce modèle d’utopie habitable prospère par un règlement strict afin de préserver son idéal. Chaque habitant signe une charte à son arrivée qui le contraint à tout aménagement extérieur de sa maison, de la couleur des volets à la hauteur des haies en passant par la place de l’étendoir à linge : la standardisation ultime car quotidienne, celle des habitants par eux-mêmes.

Quartier intemporel où le temps semble s’être arrêté, les quartiers Levitt représentent une réalité tourmentée entre les initiatives individuelles et la conservation de la représentation idéale qu’elle promeut. Ces quartiers nous montrent que le chez soi est moins une représentation de la singularité de celui qui l’habite qu’une question d’image mise en œuvre par la stratégie marketing. Cette intrusion du standard, porté par les industriels tel que Levitt, dans le « chez soi » pose le problème de notre singularité, de notre intimité, de ce qui nous est propre. Comment les habitants du quartier Levitt appréhendent-ils la notion de chez soi dans un univers idéal ? Comment construire un chez soi face à la contrainte du standard ? Penser un chez soi ne revient-il pas, finalement, à s’échapper des règles imposées par l’extérieur, par la société et les standards sociaux dans le but de créer de nouvelles règles, de choisir de nouvelles contraintes, d’inventer un espace propre à soi ?

Il s’agira, dans la continuité de mon projet initié à Londres en 2016, de travailler sur les notions de chez soi et  ''d’habiter autrement''. C’est par la photographie, la construction de maquettes et l’installation que je souhaite questionner le modèle utopique de la maison et de sa déconnexion avec la conception d’un chez soi. Les différents ateliers, que je souhaite mener avec des élèves issus de banlieues avoisinantes comme Trappes, Les Mureaux ou Mantes-la-Jolie par exemple, seront l'occasion d'inviter chaque enfant à se questionner et à développer son propre espace. Hérités de l'histoire architecturale des années 70, les maisons Levitt tout comme les HLM sont porteurs d'un idéal opposé. Dans ces ateliers, je souhaite proposer aux élèves de déconstruire ces deux modèles d'habitation afin de repenser nos espaces et de réfléchir à un "habiter autrement" par l'intermédiaire de l'art.