Sans Cantine

Publié par Nina Deux

Journal du projet

Où je me pose beaucoup de questions.

Sans cantine, je continue mes interviews, notamment avec les CE1 et CE2 que je n’ai pas enregistré.es lors de mon premier séjour. On va par contre se concentrer principalement sur les questions autour de leur rapport à la nourriture et au repas chez elleux. En cette période de déconfinement, impossible d’enregistrer dans notre studio-placard comme en février : nous nous installons dans la cour, à l’air libre et autour d’une grande table. Si les interviews avec les plus jeunes restent intéressantes, je rencontre plus de difficultés à les faire parler et formuler leurs pensées par des phrases. Dès qu’une réponse n’est pas limitée à « oui » ou « non », et même si j’évite les questions fermées qui n’incitent pas à la conversation,  j’obtiens le plus souvent un long silence suivi d’un « je ne sais pas ». C’est vrai que c’est difficile à cet âge de formuler des réponses à des questions qu’on ne s’est jamais posées. Pourquoi je n’aime pas le chou de bruxelles ou le fromage gratiné ? Comment décrire le goût ou la texture d’un aliment ? Même si quelques unes des réponses sont rigolotes, je sens bien que cette série d’entretiens sera moins riche que la première.

Sans cantine, je me pose de nombreuses questions par rapport à la continuation du projet. J’aimerais continuer autour du thème de la nourriture, et j’explore tour à tour plusieurs idées. L’une de celles qui me vient le plus naturellement, c’est d’écrire une histoire inspirée de la montagne et de la richesse des plantes sauvages comestibles qui y poussent. Je commence à jongler avec plusieurs idées de scénario, la trame d’un livre pour enfants avec ses personnages, je peins même quelques recherches pour aller avec.

Sans cantine, je m’éloigne de mon intention documentaire et je reviens dans ma zone de confort : la fiction et la narration. J’invente une histoire toute simple : une vallée menacée par un terrible monstre mange-montagne, que ses habitants convaincront de préserver leur environnement en lui faisant goûter les plantes merveilleuses qui y poussent. Même si cette idée me plaît, je bloque sans savoir pourquoi : probablement parce que le projet est trop éloigné de mon idée initiale de me concentrer sur la nourriture et le repas. Cependant, je garde certains éléments de cette recherche pour y consacrer un atelier avec les enfants : l’idée de créer un personnage de Mange-Montagne va être un excellent point de départ pour un atelier de dessin et peinture.

Gravure de David Goines et recette d'Alice Waters
Gravure de David Goines et recette d'Alice Waters.

Sans cantine, notre atelier autour des fruits et légumes m’a donné l’envie d’explorer un peu plus le dessin de la nourriture, et particulièrement des ingrédients à l’état brut. Plus je découvre la richesse de la flore de la vallée, plus me trotte en tête l’idée d’un livre de recettes illustré à la façon d’un livre de botanique, chaque planche explorant un ingrédient non de façon scientifique mais de façon culinaire. La linogravure me semble être une technique particulièrement adaptée, tant elle rappelle à la fois une technique d’impression « à l’ancienne » et l’aspect de certains livres de cuisine de la fin du XXe siècle, particulièrement des années 50 et 60, avec leurs aplats de couleurs et leurs formes pop et stylisées.

Une grande inspiration pour ce travail vient des fantastiques recettes d’Alice Waters illustrées en lino et lithographie par David Goines.

Recette champignons farcis
Livre de cuisine des années 50.

Sans cantine, l’idée d’un croisement entre livre de recettes et livre de botanique me plaît de plus en plus, et fait son chemin à chaque fois que je regarde le foisonnement de verdure et de couleurs qui nous entourent. Je tente quelques dessins d’observation à l’aquarelle mais je ne suis pas convaincue par le rendu trop réaliste, je veux explorer de façon plus graphique les formes et les couleurs des plantes. Je vais pour l’instant me concentrer sur l’illustration et continuer à réfléchir à tout ce qui touche à la mise en page, n’étant pas graphiste ni typographe. L’idée de cartes postales imprimées à la main, avec le nom de la plante d’une côté et la recette de l’autre, me séduit fortement, et il serait intéressant de faire réaliser aux enfants une illustrations similaire avec leur propre recette.

Coucou
Coucou ou Primevère Officinale.