Se questionner, s'exprimer, s'écouter.

Lorsque je présente le dispositif mobile à questions pour la première fois, les enfants parlent d’isoloir, de votes; par sa forme triangulaire, on peut aller voter sans que les autres nous voient, en direct. Nous faisons un premier essai, une question assez classique dans mon souvenir, « Est-ce que tu trouves bizarre qu’une fille joue au foot ? »; c’est unanime, ce n’est pas bizarre. D’autres questions suivent au cours de la semaine, un garçon peut-il porter du rose ? Est-ce que tu aides tes parents pour les tâches ménagères ? Un garçon peut-il faire de la danse ? Est-ce qu’une femme noire pourrait être présidente de la France ? On explique aussi pourquoi certaines questions [comme celles-ci] ne doivent pas faire débat. Dans l'ensemble, les élèves sont plutôt d’accord et conscients que ces stéréotypes ne sont pas fondés. Je me rends compte de l’évolution entre l’époque où j’étais à l’école et la leur. Notamment en voyant des filles et des garçons parler d’animés, je me souviens qu’à l’époque du collège, je cachais que j’aimais les animés car cela était associé aux garçons.

Une fois que les élèves se sont appropriés le dispositif, nous sommes allés le présenter par groupe à toutes les classes de l’école. La dynamique était différente selon les âges, les plus jeunes étaient plus à l’aise pour exprimer leur avis face aux questions. Une séance avec une classe de CP m’a particulièrement marquée.

La question posée était : un garçon peut-il porter du rose ? Les élèves ont majoritairement répondu oui, à l’exception d’un.e élève. Les élèves ont commencé à donner des exemples d’hommes qu’ils connaissaient, qui portaient du rose « mon papa porte des cravates roses des fois ». « Sur l’affiche, le monsieur a un tee-shirt rose aussi ! » Le garçon, qui durant l’échange avait fait comprendre qu’il était contre, ne savait pas expliquer pourquoi. Il finit par dire à la fin de l’échange à la maîtresse qu’il avait changé d’avis.

C'est ce qui m'a poussée à imaginer ce dispositif, permettre à chacun de donner son avis sans se sentir jugé en étant anonyme, tout en étant confronté à celui des autres, afin de construire sa propre opinion.

La dernière question de l'année était "La cour de récréation est-elle équitablement partagée?" Question qui a fait débat, sur les 25 tuiles retournées, 7 tuiles jaunes (non) et 18 tuiles bleues (oui). En effet, le ballon, et plus particulièrement le foot, amène des inégalités dans le partage de l'espace dans la cour de récréation. Je l'avais déjà perçu en travaillant durant le service du midi dans une école primaire, c'est une problématique courante dans les écoles. Les deux groupes (ceux qui jouent au foot et les autres) n'arrivent pas à s'entendre. Tout de même, le point positif, c'est qu'il y a plus de filles que je ne l'imaginais dans le groupe des joueurs de foot. 

Je profite de notre dernière question "La cour de récréation est elle équitablement partagée ?" pour tester le nouvel objet réponse Le tableau de couleurs. Nous avons décidés de proposer plusieurs activités qui pourrait remplacer le foot de temps en temps. Afin de choisir les activités, je demande aux élèves d'en écrire sur un papier qu'ils déposent dans la boîte aux lettres triangulaire. Les cinq premières sont affichées sur le tableau de couleurs, il y a le basket, le chat, la balle au prisonnier, la gamelle et le foot (incompréhension de la consigne par certains élèves). Nous procédons au vote, chaque élève met un pion de couleur dans la colonne correspondante. La gamelle est l'activité la plus populaire.

(J'ai appliqué une peinture transparente pour tableau blanc, sur les pions et sur le panneau d'affichage. Cette peinture permet d'écrire au feutre effaçable. Pour le test, nous avons écrit sur des papiers car le temps de séchage de la peinture n'était pas fini.)