La grotte de Niaux

1. Première venue

Publié par Aliona Zagurovska

Journal du projet

A l’école élémentaire de Saint-Jean-du-Falga, je venais avec une idée de vivre un moment convivial avec des enfants qui pourrait nous enrichir tous. Je voulais créer une atmosphère de créativité, de joie et d’amitié. Dans ma vie scolaire personnelle, j’avais vécu de moments extraordinaires, avec ma classe. Avec plusieurs projets de théâtre par an, nous avions tant d’idées que le temps nous manquait. Tous ces projets étaient nourris de musique, chants, danses, peinture, chacun y ramenant son talent. C’était en Ukraine dans les 90. Je voulais donc voir comment cela marchait en France aujourd’hui, à notre époque actuelle individualiste. J’arrivais donc avec des aspirations personnelles, sûrement idéalistes, mais qui me portaient même plus que le projet artistique.

J’ai été accueillie par une classe de 27 élèves, âgés de 11 ans. Tous à l’écoute, prêts à agir. Je leur ai parlé alors de mon envie de créer dans la joie, pour leur plaisir. J’ai proposé d’oublier le principe du devoir étant à l’école, et de prendre leur temps. Je leur ai dit : « Imaginez un message qu’on enverrait dans l’espace, qu’est-ce que vous raconterez de votre vie ? Qu’il y a-t-il du précieux et qui vous tient à coeur le plus ? Des personnes, des souvenirs, des pensées... » C’était notre base pour le futur livre. Et entre-temps,  nous nous sommes lancés dans le dessin et son histoire dans le monde.

Une chose qui était curieuse pour moi c’était leur propre avis sur la capacité de dessiner qui était « je ne sais pas dessiner ». Je ne pensais pas qu’à l’âge de 10-11 ans on puisse se juger autant. Comme de petits adultes qui se regardent de loin, depuis l’âge de la raison. Il a fallu beaucoup de séances de peinture pour permettre à certains de s’oublier dans l’amusement. Quel dommage, je me disais, d’avoir si vite oublié le plaisir de créer sans aucun jugement, en plus castrateur.

Malgré l’atmosphère plutôt bienveillante de l’école, l’esprit de discipline imposée et de hiérarchie régnait. Par habitude, les élèves gardaient le silence quand la maîtresse était là pour ramener à l’ordre dans le cas du débordement, sinon les limites dans le comportement n’existaient pas sans menace d’être punis. Cette ambiance forcée inextricable au principe de l’école classique entrave la création qui existe dans la liberté par principe. Et la liberté dans ces murs se présentait dans la forme des cris retenus pendant toute la journée. Ainsi, quand le moment de la création venait, où j’insistais sur le plaisir de dessiner en tant que but, surtout si j’étais seule, personne n’écoutait plus rien et se lâchait en parlant très fort presque en criant. Je les laissais faire parce que je me prenais pour un humble messager d’art qui aide à s’exprimer et non pour un représentant d’un système qui rappelle les limites. Ce qui donnait donc la création « physique » du dessin séparé de réflexion collective autour de la création. Je me disais aussi que c’était lié à la quantité d’élèves dans la classe. Comment installer une création commune qui entre dans les normes d’un établissement scolaire avec une classe de 27 élèves? C’était ma question durant tout l’atelier. Avec la maîtresse, nous avons dû donc chercher l’organisation au fur et à mesure, une tache que nous avons accomplie tout de même, dans la mesure du possible dans le quotidien scolaire d’aujourd’hui, où les classes sont grandes et le temps est limité à cause du programme chargé.