Mots, dessins, photos... la matière s'accumule pour nos portraits rêvés. L'heure est au mélange.
Mélanger nos matériaux différents pour en créer de nouveaux. Faire des choix, extraire, coller pour commencer à écrire les portraits et m'inspirer des idées formelles inventées par les enfants.
Le premier atelier de mélange aura pour base la photo de portrait prise par chaque enfant lors de notre premier atelier photo. Imprimée au format A4 et munis de ciseaux, feuilles, calques, feutres et crayons, je leur propose de partir de cette image photographique réaliste pour en faire une image rêvée d'eux-mêmes en la triturant.
En coupant, les enfants choisissent déjà ce qui compte et ce qui ne compte pas dans l'image de départ. Puis, avec le dessin, ils déplacent l'image réelle vers leur imaginaire. Contrairement aux ateliers de pur dessin, il y a cette fois une base fidèle les représentant. Le chemin pour aller vers le rêvé est plus facile, le point de départ existe.
Ils s'inventent alors un décor qui leur convient mieux que l'école, changent leurs vêtements, s'inventent des pouvoirs, modifient leur apparence physique. Certain.e.s ne gardent que le décor, s'extraient de l'image, laissent un trou pour y réinventer un autre soi complètement différent. D'autres encore ne font pas le choix de l'ajout ou de la modification mais celui de l'éclatement de l'image pour créer, via une découpe et un collage plus abstrait, une nouveau portrait avec des propositions graphiques plus innovantes encore, en dehors des propositions que j'avais faites au début de l'atelier.
Petit à petit, d'atelier en atelier, on ne me pose plus la question de savoir si on a le droit de faire quelque chose de différent, on le fait et on vient me le montrer ensuite. Si mes venues ont pu un peu aider certain.e.s à être plus directement à l'aise et libres d'inventer seul.e.s et en dehors des règles, j'en serais très heureux !
Le deuxième atelier de mélange est venu après le développement des photos prises à l'appareil photo jetable par chaque enfant.
Sur les 25 photos réalisées par enfant, j'en choisis 10 que j'imprime au format A4. Tout cela en main, la consigne est d'abord de choisir en coupant ce que chacun.e veut garder et mettre le reste de côté. A cette annonce, un grand blanc s'installe dans la classe, plus personne ne bouge. Je comprends que c'est l'idée de détruire leurs photos qui déçoit, alors qu'ils viennent seulement de les recevoir. Je leur promets d'envoyer les 25 photos et de revenir la semaine suivante avec leur photo préférée sur papier photo.
Les ciseaux s'animent. On découpe des personnes, des petits éléments (un œil, un pull, des cheveux...), des bouts de décor pour récupérer une couleur. Dans une pochette, on conserve tout le reste au cas où.
Le lendemain, sur une feuille A3, on passe au collage, pour créer à partir de tous ces morceaux, une photo idéale reprenant tout ce qui compte pour eux et les raconte. Comme toujours, l'idée est aussi de s'éloigner du réel, le transformer.
Alors très vite de nouvelles images se créent : des lunettes se retrouvent sur la tête du chien, les copains sont tous réunis autour de soi, on se démultiplie ou à l'inverse on se fait disparaître, la moustache de papi arrive sur la tête de mamie...
J'autorise aussi la mise en place d'un troc d'images dans la classe. « Je t'échange ce bout de visage dont je ne me sers pas si tu me donnes cette photo de ta chambre, je l'aime bien. » « Qui a une photo de Noa, il me le manque ! »
Deux enfants créent même des images faites pour s'assembler. Un élément commence sur le bord droit de la feuille de l'un et se termine sur le bord gauche de la feuille de l'autre.
Les images créées ressemblent de plus en plus à ce que je souhaite réaliser en animation pour leurs portraits filmés.
Ils viennent tour à tour, sans que cela soit ma demande, afficher leurs œuvres au tableau. Pendant la récréation, on défile pour observer tout cela, la salle s'est transformée en petit musée. Ils regardent attentivement ce que chacun.e a conservé et se questionnent sur ce que cela raconte : « Ah tu as mis Lino sur ton image, tu serais pas amoureuse toi ? »