Semaine du 1er février.
Nous avons posé nos bagages dans un village proche, installé notre atelier dans un local communal généreusement mis à disposition par la mairie de Beaurevoir. Nous nous immergeons dans le village. Nous roulons sur toutes les routes alentour, pénétrons dans toutes les rues et les ruelles, explorons tous les chemins et impasses. Nos pas se font de plus en plus lourds lorsque nous explorons à pied le village, une fois le tour en voiture achevé. Nous arpentons en mettant tous nos sens en alerte, attentives à chaque détail, cherchant à capter la moindre petite accroche sur laquelle nous pourrions établir notre projet. Le vent nous glace les oreilles, la boue argileuse colle lourdement à nos chaussures quand nous escaladons les fossés qui bordent les champs et sculptent les chemins. Nous nous amusons des bruits des enfants que le vent colporte. A force d'exploration, nous tournons en rond dans Beaurevoir. Nous nous épuisons. Nous cherchons des lieux que nous ne trouverons jamais : une rue bordée de maisons ouvrières identiques, une petite courée avec son porche donnant sur la rue et son fond humide...
Comme lors de notre première venue, l'exploration se fait à vue, suivant notre intuition, dans la confiance et l'improvisation, sans critère de recherche. A l'heure de choisir les lieux destinés à nos expérimentations et à celles des élèves, nous nous sentons illégitimes de préférer un lieu à un autre. Le choix est subjectif, complexe. Nous n'avons pas de certitude sur notre manière de faire. Alors, nous cherchons des lieux qui se racontent d'eux-mêmes, avec une ambiance particulière, où l'expérimentation sensorielle sera aisée, où le sens de la vue ne sera pas prédominant.
Au fur et à mesure, nous tentons de premières classifications des lieux : selon leurs limites (lieux ouverts, lieux clos, lieux diffus) ou selon leurs formes (des chemins, des paysages panoramiques plats et infinis, des places entourées de façades bâties). Finalement nous choisissons trois lieux aux contours lisibles (la place de l'Eglise, la petite place Jeanne d'Arc et un chemin au creux d'un haut fossé arboré) excluant des sites trop ouverts où l'infini complique l'expérience. Gardant en mémoire le plaisir que nous avons eu à travailler face à l'infini de la mer lors de notre diplôme sur la côte d'Opale, nous retenons un dernier site, le « chemin de crête » au milieu des champs, que nous proposerons à la classe de 6e 2.