bogny

frondaison

Publié par Anouk Lejczyk

Journal du projet

Printemps. Je découvre le vert-Ardennes, un vert mixte et non-total : trouées de scolytes, chênes au débourrement tardif.

Martelage avec une équipe de l’ONF : sémiotique et accessoires. "Aujourd'hui on travaille pour le chêne". Marteau-hache et griffe pour marquer les troncs des arbres à abattre ; compas pour mesurer leur diamètre ; bombe bleue pour signaler les arbres dits « bio » (pour « biodiversité ») à préserver ; traits jaunes et blancs pour désigner les « cloiso », c’est-à-dire le cloisonnement des rangées pour faciliter l’avancée du martelage en équipe, mais aussi pour démarquer les zones de passage pour le débardage. Equipe jeune et très sympathique, passion du métier. Enjeux politiques et diplomatiques avec la municipalité, les chasseurs, les naturalistes, celles et ceux qui se promènent. Pique-nique dans une grande cabane de chasse en tôle verte.

orvet
Orvet repéré sur le chemin en direction du Mont Vireux, le lendemain de la visite de Virginie.

Conservatrice. A l'école, nous avons accueilli Virginie, conservatrice à la Réserve Naturelle Nationale de la Pointe de Givet. Elle nous a expliqué la géographie composite du lieu : pelouses sèches, formations rocheuses, landes et forêts s’y côtoient sur une surface de 354ha. Elle accueille des espèces animales et végétales rares, dont le fameux hibou grand-duc, le plus grand des rapaces nocturnes d’Europe. Virginie nous a parlé aussi de son métier, qui, contrairement à celui de garde-forestier, se passe plus au bureau que sur le terrain : elle coordonne les projets, recueille et analyse les observations des équipes scientifique. 

En tant que « Policière de l’environnement », elle peut aussi intervenir sur les sentiers de la Réserve et pénaliser les promeneurs et promeneuses qui ne respectent pas les règles, selon son adage : « quand on aime on respecte, et quand on respecte on ne touche pas ».

groupe

Sorties au camp romain. Choix des arbres de ralliement par groupe : le charme « L’Inspecteur », le merisier « Merise », les chênes « Foxbull » et « Patrickeeeuu ». C’est au pied de leurs troncs respectifs que les élèves se sont transmis leurs histoires oralement, sans lire, avec pour seuls appuis leur imagination et leur mémoire. 

Lecture. Extraits du roman Les Grands cerfs de Claudie Hunzinger. La narratrice part à l’affût des cerfs dans les Vosges. Elle y côtoie Léo, photographe animalier, ainsi que des agents de l’ONF et des chasseurs. Outre sa puissance poétique, ce texte remet en jeu des questions que nous avions abordées avec nos différent.es invité.es. Le travail de l’écrivaine n’est pas d’imposer une idée, mais de mettre en perspective les différents points de vue, tout en nous partageant son expérience personnelle.

"Forêts immenses, gérées par l'Etat, devenues des sortes de coffres-forts dont l'accès n'est autorisé en voiture qu'à l'ONF et aux chasseurs de cerfs. Versant nord, si on s'aventure hors piste, marchant droit devant soi, on tombe sur de petites clairières d'un vert phosphorescent, ou sur des accumulations de moraines avec des rochers grands comme des autocars, l'air d'avoir été catapultés par des glaciers en furie ; et tout y est sombre, replanté d'épicéas et de douglas. Le versant sud, lui, est plus ouvert. Soleil et pins sylvestres, alisiers, sorbiers des oiseleurs, bouleaux, murets de granit et marcairies, dont la nôtre et sa prairie, sans doute une prairie native, datant elle aussi de 1770, piquetée l'été d'oeillets dianthus rose vif, mêlés à des rhinantes jaunes, à des raiponces bleu nuit et à ces graminées appelées amourettes ou brizes avec un z. Parcelles ensauvagées. Prébois et sous-bois, lisières, friches, ourlets de forêt : zones de gagnage et de refuge pour les cerfs comme nous." 

"C'est ce matin-là que Léo m'a appris que le survie de cette espèce était menacée par l'ONF. Coupes de bois sans précédent ne tenant compte de rien, ni des zones de mises-bas ni des places de brame. Qu'est-ce qu'on veut, disait Léo, que les cerfs disparaissent pour de bon ? Ils font tout pour ça. A l'ONF, on apprend aux étudiants qu'un bon cerf est un cerf mort.

            Voilà qui m'étonnait. Je me suis alors promis, dans mon for intérieur, de rencontrer un technicien de l'ONF pour me documenter. Si je croisais souvent les adjudicataires que je reconnaissais aussitôt à leur pick-up, à leur tenue kaki ou à leur ressemblance avec Poutine, j'ignorais le rôle de l'ONF. D'après Léo, bien plus destructeur. Mais je le sentais de parti pris. Je ne me fiais pas complètement à ce garçon. Je n'étais pas trop sûre de ce qu'il avançait, je trouvais ça curieux, très curieux, un peu trop simple, et rien n'est aussi simple qu'on le croit. L'ONF, je l'ai toujours révéré. Être garde forestier avait à mes yeux une dimension aussi symbolique que celle des cerfs. Sans parler de La Fontaine, Maître des Eaux et Forêts, j'avais des ancêtres gardes forestiers, et j'en avais conservé le goût de l'ombre et de la vie cachée, l'amour des arbres, aussi. Donc, que les cerfs bouffaient les arbres, j'en savais quelque chose. Je l'ai fait remarquer à Léo."

Les Grands cerfs, Claudie Hunzinger, éditions Grasset, p.21 & 41

atelier

Art plastique. Rencontre avec l’artiste plasticienne ardennaise Julie Faure-Brac, qui nous a présenté son travail peuplé d’ « humanimaux » et d’esprits des forêts. Puis, par groupe, mise en images des histoires reçues au pied des arbres, à l’aide de dessins et de collages. C'est à partir de ces drapeaux que se fera la prochaine étape de transmission des récits.