capture d'écran du film de l'atelier

inventer son langage

Publié par Eugénie Bernachon

Journal du projet

Je reviens un peu en arrière. Nous avions pendant le débat "qu'est-ce que tu veux dans ta micro société ?" établi avec les enfants plusieurs catégories qu'il nous semblait important d'obtenir pour fabriquer la bande. J'ai déjà évoqué dans les articles précédents la manière de bouger ensemble, ainsi que le partage d'idées à travers les questions qu'ils se sont tous posés. Après ces deux bases là, on a décidé qu'on avait envie de s'attaquer au langage.

Je me suis beaucoup demandé comment leur faire inventer leur langage, était-il important d'entrer dans un truc minutieux ou pouvions nous juste tendre plus vers un argot, un jargon qu'ils partageraient entre eux ? J'ai vite penché sur cette dernière idée et je me suis ensuite demandé comment le trouver, ce jargon. Dans le monde il existe des milliards d'argots et de jargons, selon le milieu professionnel ou social, la langue, le pays, la génération, la région, etc. Les enfants avaient donc bien sûr déjà ce vocabulaire là, et comme j'avais déjà passé un certain temps avec eux je le connaissais. Mais ce n'est pas cet argot là qui m'intéressait. Alors j'ai pensé à quand j'étais petite et que j'adorais inventer un autre sens aux mots. J'ai pris un dictionnaire, j'ai noté des mots au hasard sur des petits bouts de papier, certains très techniques dont je ne connaissais pas le sens, d'autres assez simples et d'usage courant, pour rajouter un peu de difficulté. J'ai inventé le jeu du dictionnaire.

Les règles sont simples, c'est de l'improvisation : on pioche un papier, on se retrouve avec un mot, on prend quelques minutes pour réfléchir chacun dans son coin à inventer un sens à ce mot, et puis on se regroupe tous. Ils sont passés un par un devant tout le monde pour expliquer doctement et très sérieusement le sens de leurs mots. C'était la première fois que je les lançais sur une improvisation avec du langage, j'avais un peu peur que ça bloque et au contraire, ils se sont complètement épanouis là dedans. Parce qu'ils n'avaient d'autre choix que de faire appel à leurs fantaisies respectives, ils s'en sont servis comme socle pour éclore totalement. Ils étaient tous ouverts, parlaient fort, souriaient certes mais utilisaient ce sourire pour avancer dans l'improvisation et pas juste pour rigoler avec les copains.
Les voyant si à l'aise j'ai au bout de deux ou trois passages décidé de leur dire que s'ils avaient envie en passant, avant de donner leur définition, de se présenter en tant que personnage de leur choix, ils avaient le droit. En somme, que s'ils voulaient inventer là tout de suite maintenant un début de personnage qu'ils pourraient avoir dans notre petit spectacle final ou en tout cas entre nous dans le travail, c'était absolument le bienvenu. Tout le monde n'a pas osé s'exécuter mais ceux qui l'ont fait l'ont fait de façon grandiose, et c'était vraiment un bonheur.
 

Et pour ne pas vous laisser sur votre faim, voici quelques exemples de mots et définitions ainsi que des débuts de personnages : 

Denis, alias Jean-Luc, 56 ans : expectorer ça veut dire chercher dans le langage soutenu

Alyssa : un opprice c'est un officier qui fait du riz

Siwar : fagoter c'est goûter quelque chose de nouveau

Baptiste, alias Jean Hubert : un charançon c'est une pizza qui repousse à volonté et qui a le goût que vous voulez

Eryne : prohiber c'est se réunir dans une salle pour discuter de certaines lois

Quentin, alias Jean-Luc-François-Maxime-Axel, 59 ans : un chantre c'est un grille pain

Safouan alias Boubi, 53 ans : un géotropisme c'est un chapeau de géographe OU un avion d'où on peut voir toute la terre

Lamya, alias Lucille, 18 ans : un cabale c'est un jeu avec un ballon immense on se fait des passes à la main si elle tombe tu perds

Chamsédine : un dolichocéphale c'est une paire de chaussettes ovales OU un médicament pour manger moins de chocolat