(c) Leslie Jones

les guérilleros de la connaissance

Publié par Eugénie Bernachon

Journal du projet

Premier jour arrivée à Cugnaux rencontre avec les enfants.
On est deux : Lucas un des comédiens du spectacle qui joue Magnus, l'architecte, et moi, Eugénie, metteuse en scène et autrice. Eux, ils sont vingt-quatre. Pleins d'énergie. Pleins de questions. On va comprendre vite que cette énergie et cette curiosité sont belles, mais qu'il faut apprendre à les canaliser en un endroit bien précis pour avancer.

D'abord chacun se présente avec un geste et déjà les blocages des uns et des autres apparaissent. Ils font tous ensembles quand même : c'est bien, c'est le but. On leur explique que nous on veut inventer une bande d'enfants avec eux, qu'ils seront cette bande d'enfants et qu'une bande c'est plusieurs individualités très différentes peut être mais qui sont réunies en groupe vers un même but. Alors pour les mettre tous ensemble on passe par des jeux qu'on connait tous bien : samouraï, marcher dans l'espace, tous sauter en même temps...On se met ensemble. 

C'est dur de faire comprendre à des enfants de notre point de vue d'adultes que ce sont des jeux, mais que ça ne veut pas dire que c'est la récréation non plus ! Dur de faire comprendre que ces jeux aiguisent pleins de choses chez eux, comme tous les jeux certes mais là il s'agit d'en prendre conscience, d'en devenir maître et d'en faire quelque chose. 

La conscience de soi : à la fin des deux premières séances on comprend que ce qui pêche le plus ce n'est pas ça. C'est la conscience de soi ET des autres dans le même endroit. Certains se connaissent depuis si longtemps qu'il y a de véritables tensions importantes dans le groupe, et comment pour nous malgré ça faire d'eux une bande, même si certains refusent même de partager leurs chaises tellement ils se détestent ? Comment faire comprendre qu'il faut se respecter même si on ne s'aime pas ? Alors les problématiques de vie qu'on est pas là pour résoudre se mêlent à celles de la fiction qu'on tente de créer avec eux.

A travailler cette bande d'enfants que je n'avais imaginée qu'en théorie pendant mon processus d'écriture je m'aperçois que j'ai été bien naïve et que j'ai oublié la réalité d'une certaine manière en écrivant. J'ai imaginé cette bande comme une espèce d'image conceptuelle, oubliant les individus, les tensions, la dynamique et de quoi elle en découle, ce qui donne la vie à quelque chose, ce qui la rend passionnante. Alors même si je me retourne le cerveau dans tous les sens pour savoir comment m'y prendre avec eux, je suis bien contente que ça vienne remettre en question ma manière d'écrire les choses dans le bon sens du terme.