derrière le mirroir

Ou comment chaque film nourrit le prochain

Publié par Jade Gomes

Journal du projet

dernière semaine de septembre, 2020

La fin de l'atelier avec les enfants de l'école approche et mon travail d'écriture sur le film que j'envisage de réaliser reprend, avec la possibilité de retourner à nouveau au Portugal.

Ce n'est cependant pas le Portugal romantique de mes écrits précédents que je trouve à mon arrivée.

La maison est toujours là. Une tuile est tombée du toit, seule empreinte que le temps arrache à cette bâtisse semblant rester intacte. Enfin, pas exactement. En ouvrant la porte, nous découvrons que certains objets, meubles et linges de maison ont disparu.

Mais le plus embêtant, c'est l'absence des créations en crochet que fabriquait notre grand-mère. Toute sa vie, lorsqu'elle n'était pas à l'usine , elle créait des pièces de toutes sortes: dessus de lit, napperons de toutes tailles, serviettes de bains et torchons personnalisés... Cette pratique a traversé toutes les époques de son existence. Les joies et très rapidement les peines du mariage, la dureté du régime de Salazar, le départ d'un premier fils et, bien plus tard, d'un second.

La disparition de ces pièces en crochet sont autant de petits bouts du passé que je refuse de voir disparaître.

Je repense à l'école et à la mobilité d'esprit des enfants qui m'invite à remettre en question ce que je projette dans mon film. Leur récit intègre tour à tour des propositions cocasses ou dramatiques, des références de toutes sortes. Il échappe sans cesse à l'idée d'une quelconque hiérarchie des idées entre elles ou d'un jugement de valeurs.

Tout à coup, l'histoire qui s'amorce avec la perte des pièces en crochet et la quête pour les retrouver semble vouloir entrer dans le film.

L'absurdité de certaines situations vécues sur place m'incite à reconsidérer le ton que j'imaginais au départ pour raconter cette histoire. Il y a un gap entre le fantasme et la réalité vécue sur place. Ce fossé ouvre des pistes de réflexion sur la façon dont on construit son propre récit et celui de ses origines.

Je pense également reprendre la méthodologie élaborée pour faire émerger le film des enfants dans la construction de mon propre film. En effet, nous avons écrit des scènes sur la base des interrogations qu'avaient les enfants vis à vis de l'histoire. Puis ces scènes juxtaposées ont fait récit.