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Une Restitution

Publié par Héloïse Dravigney

Journal du projet

Point d'orgue du projet. Frissons, envie de bien faire. D'être dans les temps, dans les clous. Ne pas du tout être certaine que les orientations que j'ai fait prendre au projet correspondront aux attentes des parents. Certains apprécieront c'est certain, mais ça ne touchera pas tout le monde c'est sûr. Ne pas y accorder trop d'importance : ce projet est fait pour les enfants. Pour leur donner confiance en leurs idées, en leurs capacités à réfléchir, à se réinventer et à exprimer leurs idées. Je pense qu'ils sont prêts maintenant. C'est leur énergie qui compte le plus.

En attendant ce grand moment, la kermesse se passe bien, j'ai pu tout installer avec une aide bienveillante, tous les travaux accumulés pendant l'année afin de comprendre les chemins que nous avons emprunté pour construire ce projet. À l'ombre des arbres du charmant terrain de la salle des fêtes d'Origne, nous avons suspendu les travaux graphiques des élèves, les portes voix en papier et toutes les maquettes que nous avions réalisées. C'est un parfait fond de scène pour la prise de parole.

Magnifique terrain mais maculé de taupinières … Pas simple de ré-emboiter les pupitres conçus pour un sol plat. De l'huile coude, de la volonté et un peu de forcing et le tour fut joué. Les trois pupitres prêts à être chevauchés !

 

 

17h … Les premières familles arrivent … les premiers parents, découvrir l'entourage des élèves, c'est drôle et assez fascinant. Se présenter, faire un peu de médiation autour du travail, inviter les gens à regarder. Certains élèves accompagnent eux-même leurs parents dans la visite avec l'assurance d'un guide professionnel. C'est très satisfaisant, l'ambiance est agréable … Mais on sent tout de même monter la tension des élèves, la performance approchant. L'heure approche, le spectacle commence officiellement. D'abord les maternelles et les CP nous gratifient de danses et chansons aussi belles qu'approximatives. C'est à nous, le micro passe de la maîtresse à moi histoire de situer le projet. Nous annonçons donc que les enfants ont pris l'initiative de commencer par chanter la Marseillaise. Choix un peu malaisant pour moi mais impossible de dire non à une volonté aussi forte de la part des enfants. Les trois premiers couplets de la Marseillaise donc, avec des doux accents d’innocence et de fierté. Et puis c'est parti. Les pupitres sont en position, les enfants se mettent en place. Et on démarre cette prise de parole avec des enfants qui n'ont jamais eu autant d'énergie (en tout cas pas pendant les répétitions). Ils sont sûrs d'eux, impressionnants, certains font même un peu peur.

« Nous pourrions vivre PARTOUT », « On ne serait JAMAIS puni », « Celui qui déciderait des lois CE SERAIT MOI », « Il n'y aurait plus de PLASTIQUE dans les TORTUES ». Sans queue ni tête, sans logique perceptible mais avec une passion et une envie bien réelle, les phrases s'enchaînent, les enfants ont l'air si à l'aise en montant sur leurs pupitres. Le public réagit ! Tantôt en s'étonnant, en s'indignant ou en rigolant. Même les petits parlementent « Ah non ça on a pas le droit ! ». Une fois cette petite bouffée d'impertinence terminée, nous avons droit aux acclamations d'un public surpris, mais conquis !

Les enfants sont fiers, c'est parfait. Je leur distribue leur exemplaire du cahier de Doléance à leur grande surprise, ils ne s'y attendaient pas du tout. Je crois qu'ils en sont très heureux et que de voir leurs phrases mises en valeur dans un vrai livre ajoute un motif à leur fierté.

 

Les enfants font volte face et me gratifient également de surprises : les coquins ont préparé un cahier, non pas de doléances mais de remerciements dont les lettres sont toutes découpées à la main et une affiche à ma gloire reprenant mes qualités. Ils sont très forts, ils ont réussi à me faire pleurer.

Cette gratitude mutuelle après tant de moments passés ensemble est émouvante. Ce moment larmoyant est vite arrêté et remplacé par un bizutage en règles : une milice d'enfants munie de pistolet à eau s'en prend à moi, et malgré mes réprobations, m'asperge continuellement. M'obligeant à finir la soirée en short de sport et k-way de rechange. L'affection des enfants se paie au prix fort.

 

Aucun regret, une motivation remontée au plus haut sur mon échelle personnelle, l'envie de recommencer, de continuer, la tristesse de leur dire au revoir. De grands mercis à l'équipe enseignante, Elise et Paula qui m'ont beaucoup aidée et soutenue, à ce dispositif qui m'a offert de belles perspectives, aux parents d'élèves et habitants de Saint Léger qui ont suivi et participé et aux élèves. Des élèves qui se sont embarqués dans l'aventure sans trop savoir où ils allaient mais qui n'ont (presque) jamais douté de moi, qui ont beaucoup dessiné, projeté, écouté, posé de questions, maquetté, peint, répété, scandé, débattu. J'espère qu'ils retiendront des choses de ces six mois passés ensemble et notamment que cette force et cette assurance acquise leur resteront.

Une grande fête