atelier pratique théâtre d'ombres enfants

Découverte de la lumière

Publié par Louise Morel

À la suite de notre résidence d'avril, nous sommes revenus à l'école passer une semaine complète auprès des enfants. Cette fois-ci, nous allions commencer les ateliers de pratique, avec d'abord des exercices et jeux corporels, et ensuite une approche technique du théâtre d'ombres avec la découverte du matériel nécessaire au travail de la lumière.

Apprivoiser son corps

Durant les deux premiers jours, nous avons privilégié une approche corporelle du théâtre. Le corps est le principal outil du comédien, il est primordial qu'il le maîtrise, aussi ces exercices, ces jeux que nous avons proposés  aux enfants, comme tous ceux que nous avions mis en place au début de chacune des séances précédentes, sont des choses que nous pouvons parfois faire nous-même, que nous avons déjà faites, et qui nous servent encore.

 

Le lundi, nous avons commencé par des échauffements. Que nous nous envoyions des balles imaginaires de taille et de poids variés, que nous changions de place grâce à un simple regard, que nous naviguions à travers un jeu de ninja enchaînant une rythmique vocale et corporelle qui tourne en boucle (gare si elle se brise !), le but de tout cela était comme à chaque fois de fédérer le groupe, de le concentrer, de connecter les enfants les uns aux autres, et de les rendre disponibles pour toute la séance de travail, de façon ludique et dynamique.

Nous leur avons ensuite proposé de venir chacun son tour raconter au reste de la classe un souvenir. Faux, vrai, lointain, très proche, peu importait. Ce qui était nécessaire, était de venir se placer sur la chaise installée face à ses camarades, de se tenir bien droit, de ne pas gigoter, et de raconter en quelques mots ce souvenir, de façon audible et adressée. Ce qui en soit représentait déjà un challenge pour certains. La prise de parole en public n'est pas forcément évidente, mais tout le monde s'est prêté au jeu, et les réticences rencontrées ont vite été balayées. Le climat respectueux qui régnait entre les élèves aidant.

Par la suite, nous avons demandé aux enfants de se mettre en groupe afin qu'ils choisissent l'un des souvenirs, et qu'à partir de celui-ci, ils créent chacun un geste que l'ensemble du groupe retiendrait. À partir de ces gestes, il s'agirait d'écrire des phrases chorégraphiées, qui à leur façon, raconteraient le souvenir.

Nous leur avons bien expliqué qu'il n'était pas question de mimer l'histoire. Nous cherchions non pas à les amener vers quelque chose de figuratif, mais bien à les faire toucher à l'abstraction du mouvement. Plutôt que de faire un mouvement mimant que l'on boit une tasse de chocolat chaud, il fallait trouver un mouvement traduisant l'émotion de contentement ressentie en buvant ce chocolat chaud. Dans la continuité du musée des émotions que nous avions un peu parcouru avec eux lors d'une séance précédente, il s'agissait d'exprimer physiquement ses émotions. De voir quelles étaient les possibilités du corps pour faire comprendre au public ce qui était ressenti, et d'en faire un enchaînement de mouvements logiques.

Ça n'était pas une recherche évidente, et à la fin de la journée, un seule groupe a eu le temps de jouer devant les autres, et nous avons constaté qu'il nous faudrait le lendemain, au moment de repartir sur ces phrases, trouver le moyen de les détacher du mime.

 

Le mardi, après les échauffements physiques, autour de la coordination des mouvements, la conscientisation des différentes parties du corps, et de nouveau des jeux connus de concentration, d'écoute, de groupe, nous avons recommencé le travail de la veille. Pour être plus concrets, nous avons décidé de montrer un exemple aux enfants d'un souvenir qui nous appartenait, et que nous avions préparé en amont. Tout en prenant des positions simples mais claires et réfléchies dans l'espace, nous avons réalisé de façon chorale l'enchaînement de mouvements traduisant nos émotions au cours du souvenir. Il y en avait 3 que nous avions décidé de réaliser tous en même temps, ou en décalage, selon les mouvements et ce que racontait notre souvenir.

Nous avons ensuite laissé un temps de travail aux enfants avant que chaque groupe ne montre sa phrase aux autres. Ils ont ce jour là davantage réussi à se tourner vers l'abstraction (la joie d'un supporter à un match de foot, la satisfaction d'un bon plat, la peur d'une grosse bête, le dégoût, le courage...)

Une fois que chaque groupe eût trouvé sa phrase, nous avons improvisé un castelet, juste de quoi percevoir les ombres projetées sur un bout de drap blanc, et les enfants ont essayé d'adapter leurs phrases au drap. Évidemment, beaucoup de changements étaient nécessaires. Ne serait-ce qu’au niveau des placements dans l'espace et de l’amplitude. Par exemple, ceux qui se jetaient au sol sur une longue distance, ou ceux qui s'éloignaient de ce qui les effrayaient le plus loin possible... tout cela était à repenser, tout en gardant les choses compréhensibles. Malgré tout ils ont réussi à adapter leurs scénettes pour en faire de choses visibles en ombres.

Ce qui était intéressant dans cette dernière phase de travail a été de commencer à toucher les ombres du doigt et réalisant qu'on ne peut absolument pas faire avec elle tout ce qu'on ferait sur une scène en temps normal. Par exemple, les expressions sont plus facilement visibles de profil. Il faut faire des mouvements assez larges, parfois exagérés, pour qu'ils soient vus. Les placements, s'ils peuvent nous paraître absurdes, sont vus d'une autre manière par les spectateurs. Il y a des endroits où on ne peut pas jouer, des choses que l'on ne voit pas... il faut prendre son temps, faire les actions les unes après les autres et être précis.

Mais tout cela, nous avions à peine commencé à le toucher du doigt, et nous comptions bien poursuivre plus en profondeur dès le jeudi.

Premier contact avec la technique

Le jeudi, après l'échauffement, nous avons repris où nous en étions. Nous avons obstrué quelques fenêtres, avons tendu un drap blanc entre un tableau et un porte-manteau, et noté une liste d'émotions sur le tableau. Les enfants devaient passer par 3 et tandis que 2 d'entre eux tentaient de faire deviner aux autres des émotions choisies secrètement, le troisième les éclairait (puis les rôles s’inversaient). Ainsi, ils se rappelaient et mettaient en application ce que nous avions vu le mardi : les mouvements amples, la précision, pas de précipitation, le profil, etc.

Après cette introduction ludique, nous avons profité de la récréation pour installer une table à côté du castelet où nous avons déposé le matériel que nous avions apporté, c'est-à-dire une partie du matériel technique dont nous nous servons dans le spectacle. Des projecteurs différents, une console lumière, pour régler l'éclairage et son intensité, des gélatines (ces filtres permettant de colorer la lumière, ou bien de la rendre plus diffuse), des porte-gélatines, des petites lampes mobiles.

Nous avons ensuite organisé un système de rotation par petits groupes afin que pendant que certains allaient appréhender le matériel à la table, d'autres faisaient des tests d'effets de lumière sur le drap. Nous leur avons expliqué ce que nous avions nous même trouvé en cherchant : les mouvements et les déformations de corps créés par le mouvement du faisceau lumineux, le fait de zoomer en s'éloignant ou en se rapprochant du drap et/ou de la lumière, les effets produits par l'utilisation des gélatines même sur les petites lampes mobiles, le dédoublement... Cette matinée "touche-à-tout" a été très enthousiasmante pour les enfants qui ont pu tour à tour manipuler la console, les filtres, voir leur ombre projetée, projeter celles de leurs camarades, ou en regarder les effets sur le drap. Par la suite nous leur avons montré des images de notre travail à La Salamandre, la semaine précédente, afin qu'ils aient quelques exemples de ce que nous faisions de la lumière. Avec tous ces outils en mains, ils étaient prêts à raconter des histoires !

 

C'est ce que nous leur avons demandé le vendredi. Après l'échauffement, nous leur avons proposé de se mettre par groupes afin d'écrire de courtes histoires pour lesquelles ils avaient trois contraintes : qu'elle contienne au moins une des émotions vues ensemble, qu'il y ait un effet de couleur et un effet visuel travaillé la veille. Nous leur avons laissé 30mn de réflexion et de travail avant qu'ils puissent montrer leurs idées et un premier jet à leurs camarades. C'est ainsi que nous avons vu apparaître les ombres d'un bulletin météo, d'une course poursuite avec une amie zombifiée, de l'agression d'une star du showbiz, d'un berger et son troupeau attaqués par un sanglier, et les lumières d'un gyrophare venant secourir un homme blessé.

À la fin de chaque présentation, chaque groupe obtenait une consigne de travail spécifique en fonction de ce qu'il avait montré, puis après la récréation ils pouvaient retravailler 20 minutes avant de repasser devant les autres.

La mise en place de ces histoires et les différentes étapes de travail ont permis aux enfants d'appréhender le travail technique du théâtre d'ombres, autant que possible car il fallait que chaque groupe puisse toucher un peu au matériel et travailler sa scène avec, donc il fallait équitablement partager le temps, mais également le travail de répétition. Il était important pour nous de préciser qu'à chaque fois que quelque chose était montré, c'était une étape en cours de travail, et que le regard des camarades se devait non seulement d'être bienveillant, mais aussi constructif. C'est à dire que pour obtenir des consignes pour améliorer leurs proposition, chacun devait recevoir des conseils de la part de ceux qui avaient attentivement regardé ce qu'ils avaient montré. Le spectateur n'est pas passif, et nous avons tâché d'impliquer tout le monde, même quand ça n'était pas leur tour de passer.

Et enfin, le travail de répétition est celui de faire, de refaire, de refaire encore, avec chaque fois de nouveaux objectifs et le désir d'améliorer ce qui a déjà été fait. Cela nécessite de la patience, de la persévérance, mais aussi de la joie et de l'envie ! C'est ce que nous avons voulu leur faire passer, et ce que nous avons senti chez eux au cours de ces séances. C'était un vrai plaisir ! Et ça n'était qu'une première approche du théâtre d'ombres, qu'eux comme nous étions impatients de développer !