Dessin d'élève (monstre affamé)

Alors ça y est, ça y était, on allait commencer à jouer. Pour bien aborder ce moment particulier où les élèves allaient devenir acteurs et actrices, j'ai choisi d'inviter Quentin Bardou (vous vous souvenez de lui ? C'est un des interprètes pour qui je suis en train d'écrire ma pièce, c'est lui qui jouera le Bon Fé). Quentin, il a l'habitude de travailler avec des enfants, il a même déjà participé à deux Créations en Cours, il est super, il est comédien et metteur en scène, c'est facile de travailler avec lui et on se connaît très bien : c'était la personne idéale.

Des échauffements tout ce qu'il y a de plus classique

Où on apprend à répéter

Quentin est arrivé, on a dit bonjour, il s'est présenté, et puis, très vite, on a mis les tables sur les côtés, on a enlevé nos chaussures et on a commencé, toujours en demi-groupes, d'abord l'un, puis l'autre.

D'abord, bon, ça a été des exercices comme on en fait pour s'échauffer : le corps (c'est la partie entre le yoga et la gym, on s'assure d'être dans de bonnes conditions pour faire des mouvements parfois inhabituels, on plie et déplie les muscles, on fait bouger les articulations), la voix (on fait des vocalises, de la diction, et on s'assure qu'on a la capacité d'être bien audible) et puis l'imaginaire (on s'amuse à faire semblant de).

Et puis, une fois qu'on a été bien échauffé·e·s, on a commencé à travailler sur les poèmes. J'avais distribué un ou deux vers à chacun·e, tout le monde avait appris sa partition par coeur, et on a pu commencer à mettre en scène l'ensemble avec Quentin.

Dans les classes, quelques un·e·s font déjà du théâtre, et, de toutes façons, tout le monde a déjà un peu l'habitude de travailler à l'oral, entre les concours de lecture, les poésies à réciter et les exposés à présenter. Mais quand même, là, ce n'était pas pareil, et c'était même assez nouveau.

Les deux choses les plus déstabilisantes, je crois, sont que :

a) il faut trouver un équilibre entre plaisir, recherche et concentration.

b) en répétitions, comme son nom l'indique, on répète. Et on répète. Et on répète encore.  Et encore. (Et encore.)

Je crois que ça a un peu surpris les élèves. Mais, comme c'était sur des textes très courts, Quentin et moi, on était très précis dans nos demandes : quelle place dans l'espace ? A qui est adressé le texte ? A quel volume ? Qu'est-ce que cela provoque ? Comment est-ce que les autres, qui ne parlent pas à ce moment-là, écoutent ? Est-ce qu'il y a un déplacement ? Est-ce qu'on reste immobile ? Du coup, ça faisait beaucoup de paramètres à gérer, et la nécessité de se concentrer et de faire et de refaire s'est imposée d'elle-même.

Parmi les mots nouveaux qu'on a abordé avec Quentin, il y avait :

JARDIN et COUR (respectivement à gauche et à droite de la scène quand on la regarde depuis le public)

Le CHOEUR (le travail de jeu en groupe)

Les ITALIENNES (le fait de réciter juste son texte, sans le jouer, juste pour faire travailler la mémoire).

 

 

Une discussion interprète et metteur en scène

Où on joue pour et devant les autres

Et puis, le temps d'une deuxième matinée passée à reprendre (à répéter, encore) ce qui avait été fait la veille, et chaque groupe a joué son poème devant l'autre. 

Même si c'était en tout petit comité, en classe, dans un cadre connu et tout, il n'empêche que, quand même, ça peut faire peur. Et c'est un autre mot dont on a pas mal parlé :

le TRAC.

Pour le coup, les élèves connaissaient déjà ce mot, mais il y a eu beaucoup de questions, posées à Quentin et moi. Ca a été l'occasion pour nous de dire que, le trac, malgré les apparences, c'est plutôt une bonne nouvelle : ça veut dire qu'on attache de l'importance à ce qu'on va faire et que le corps se met en condition. Mais c'est vrai que ça peut être paralysant.

Moi, ce que je crois, c'est que, le trac, ce n'est jamais que de l'énergie mal utilisée : comme ce qu'on va faire a de l'importance, on est plein d'une énergie dont on ne sait pas quoi faire, et qui vient se loger dans un muscle qui s'appelle le diaphragme - et c'est lui qui donne cette impression d'avoir une boule dans le ventre et qui fait qu'on a du mal à respirer. Alors, en faisant des exercices de respiration, on peut diffuser l'énergie qui est dans le diaphragme vers le reste du corps. Et là, ça devient beaucoup plus simple.

Alors, on a respiré un bon coup, et puis l'un après l'autre, les deux groupes ont joué leurs poèmes.

Et ils ont survécu au trac.

C'est là aussi qu'on a vu comme c'était important, de répéter, et répéter, et répéter encore, parce que, une fois que le public est là, ça peut vite devenir comme un feu d'artifices dans la tête, avec toutes ces informations à gérer (entre le trac, les regards des gens, leurs réactions, la mémoire du texte et des places, les choses nouvelles qui peuvent arriver, etc). Alors, si on a assez répété, ça aide à recevoir et traiter toutes ces choses, sans se laisser déstabiliser, et à faire ce qu'on a dit qu'on ferait. Parce que, en soi, ce n'est pas grave du tout de se tromper, évidemment, mais ça risque de changer le sens de ce qu'on joue, et puis, surtout, quand on joue en groupe, on a des rendez-vous avec les autres, et si on les rate, les autres risquent de se tromper à leur tour.

En tout cas, j'étais content qu'on ait eu cette idée, avec Quentin, que les groupes se montrent leurs travaux respectifs. Déjà, c'était drôle et agréable pour les élèves de découvrir complètement un texte et une mise en scène dont elles et ils n'avaient rien vu. Et puis, mine de rien, c'était une première expérience du public. Et, comme en mai, les élèves vont jouer devant leurs parents, et devant toute l'école, et devant des inconnu·e·s, je crois que c'est bien d'avoir déjà pu appréhender tout ça petit à petit. 

Quentin n'est venu que deux jours, mais c'était très dense, et je crois que ça a apporté une nouvelle dynamique dans le travail. Avant qu'il ne parte, on a encore passé toute une après-midi ensemble, où les élèves, nourri·e·s de leurs premières expériences de jeu, ont commencé à écrire, non plus des poèmes, mais bien des scènes.

Mais ça, je le raconterai une prochaine fois.

A bientôt ?