Le titre

Où je commence à écrire moi-même

Publié par Théophile Dubus - Cie Feu un rat !

Alors, la dernière fois, je suis parti de Charmont-sous-Barbuise, avec des histoires sous le bras, et les fruits des discussions avec les élèves dans la tête, et je m’apprêtais à commencer une partie de mon travail que j’attendais depuis déjà longtemps : l’écriture de ma propre pièce. C'est de ça que je vais parler ici (sachant, bien sûr, que rien ne s'est passé comme prévu).

La Chartreuse
La Chartreuse, l'endroit rêvé pour écrire.

Où j'explique ce qui était prévu

Pour écrire, je devais aller passer un peu plus de trois semaines à la Chartreuse, le Centre national des écritures du spectacle, à Villeneuve-lez-Avignon. C’est un endroit dans lequel les autrices et les auteurs peuvent venir travailler à leurs textes, ou bien des équipes à la création de leurs spectacles. C’est un ancien monastère, c’est dans le Sud de la France, c’est un très bel endroit, et c’était un de mes rêves depuis longtemps d’aller y travailler. Alors, quand j'avais fait ma demande et que j'avais eu une réponse positive, j'avais dansé de joie.

Tout était prêt, il y avait même ma page sur le site de la Chartreuse, et un bout de lecture prévu pendant un temps fort consacré au théâtre jeune public : http://www.c-n-e-s.org/site/leur-ogresse-de-mere-une-histoire-de-famille-effrayante

Mais, à quelques jours de mon départ : PAF !

BOUM !

(on l’avait vu venir)

Il y a eu :

LE DEBUT DU CONFINEMENT.

Où je raconte ce qui a lieu à la place

Juste le temps de rentrer dans mon nouveau chez-moi à Pantin, et, comme environ la moitié des habitant.e.s du monde, je me suis confiné.
Et cela voulait donc dire que :
Petit a) on allait devoir repenser un peu les choses avec Catherine pour notre Création en Cours
Petit b) il n’y aurait pas de résidence à la Chartreuse.
Je parlerai du « petit a » dans le prochain article. Ici, il est question du « petit b ».
Parce que, ma résidence, je la fais donc chez moi, forcément.
C’est ici que ça a lieu.

une table, une chaise et même une deuxième si j'ai envie de changer de place, un ordinateur (et une connexion internet) et, au mur, les dessins que je fais quand je n'arrive pas à écrire.

Avec : une table, une chaise et même une deuxième si j'ai envie de changer de place, un ordinateur (et une connexion internet) et, au mur, les dessins que je fais quand je n'arrive pas à écrire.

Mon carnet des monstres et un stylo

Mon carnet des monstres et un stylo, avec lequel je dessine quand je n'arrive pas à écrire.

Une tasse

Une tasse, avec, selon l’heure, du café ou du thé, et des héros et des héroïnes pour m'encourager quand je n'arrive pas à écrire.

 Cacahuète, la cacahuète


Et, enfin, Cacahuète, la cacahuète que j’ai plantée au début du confinement, et que je regarde pousser quand je n'arrive pas à écrire.

Tout ça, ce sont mes outils pour faire ce que j'ai à faire.

J'ai le titre, et c'est déjà ça.

Où j'expose mes problèmes

Mon problème numéro 1 s’est vite posé, et je crois qu'il est partagé par beaucoup de gens : le contexte dans lequel j'écris ne m'aide pas. Ne pas pouvoir sortir, m'aérer, me promener, voir des gens, des pièces, des films, m'asseoir dans un café ou dans un parc, ça n'aide pas. Et, simplement, ça pèse sur l'envie de créer. Mais bon, j'ai le temps pour le faire, alors j'essaie d'en profiter quand même.

Mon problème numéro 2 : on a parlé de tellement de choses, à Charmont-sous-Barbuise, que je ne sais plus très bien par où commencer.

Mon problème numéro 3, c’est justement par rapport au fait de commencer : j’arrive à écrire l’histoire de Pélagie et de ses deux filles et du Bon Fé, je commence, j’ai un bon début. Par exemple, Pélagie est très triste de réaliser qu’elle veut manger ses filles alors elle les abandonne, comme les parents du Petit Poucet abandonnent leurs sept fils, mais les filles reviennent sans cesse à la maison, comme le Petit Poucet. Et cette idée me plaît, ça m’amuse, ça me fait peur et puis … PAF ! Crac. BOUM. Je n’ai plus envie de continuer. L’histoire que j’ai commencé à inventer ne m’intéresse plus.

Alors j’en commence une autre. Pélagie, avant d’avoir envie de manger ses filles, mange tout le voisinage, et c’est ses deux filles qui doivent aller lui chercher à manger. Et c’est le même schéma : c’est intéressant, drôle, effrayant, et puis – je suis asséché. Je n’arrive plus à continuer.

J’en suis à une centaine de pages, avec plein de débuts de pièces différentes.

Nous

Alors, comme je suis bloqué, j’ai fait une vidéoconférence avec Daniel, Olga, Mathilde et Quentin, les quatre interprètes, pour qu’elles et ils me lisent des bouts de ce que j’avais écrit. Comme ça, on voit ce qui nous intéresse le plus, ce qui leur va le mieux, etc.

On a bien ri, et réfléchi, en lisant et en parlant, et je me suis dit que, décidément, j’avais réuni une distribution royale.

J’ai exposé mes problèmes et Daniel, qui a toujours une manière très singulière de regarder les choses, a dit :

« Dans les histoires d’emprise et d’abus, c’est comme si le temps était figé et tant qu’une personne extérieure avec un nouveau point de vue n’arrive pas, les choses ne peuvent pas avancer. Donc, c’est peut-être pour ça que tu es bloqué dans les débuts. »

Et je crois que c’est une idée intéressante. Peut-être que la pièce que je suis en train d’écrire sera cyclique, avec des débuts qui se suivent sans s’achever, parce que les problèmes qu’elles posent ne peuvent pas se résoudre … Sauf si un Bon Fé vient aider ?

Et puis alors, je continue, j'avance. Il y a aussi que je me suis rendu compte de quelque chose par rapport à l'écriture, et à ma manière d'écrire, que les élèves m'ont permis de réaliser. Mais j'en parlerai une prochaine fois. Et puis d'abord, je dois raconter le "petit a".

Mais d'abord, voici quelques bouts de répliques lues par les interprètes, et puis, encore une fois, nos têtes.

Nous 2

PELAGIE - Perruche, Pervenche : à table.

PERVENCHE - Qu'est-ce que c'est ?

PELAGIE - C'est le voisin.

(...)

PELAGIE - Est-ce que tu sais ce que ça fait de porter quelqu'un dans son ventre ?

PERRUCHE - Ben non, j'ai sept ans.

(...)

PELAGIE - Sept ans ? Encore ? Et depuis quand ?

PERVENCHE - Je ne sais plus.

PERRUCHE - Moi non plus.

PELAGIE - Sept ans, c’est drôle, j’aurais dit beaucoup plus.

(...)

A bientôt ?