Dessin d'élève (d'autres monstres)

OÙ LES ELEVES CONTINUENT D'ECRIRE

Publié par Théophile Dubus - Cie Feu un rat !

Alors voilà, les élèves avaient commencé à appréhender ce que c'est, le théâtre, le jeu, le travail au plateau, toutes ces choses-là. En plus, Catherine, leur maîtresse (qui est décidément une partenaire de travail FORMIDABLE - je ne le dirai jamais assez), en mon absence, leur avait fait lire "Oedipe Schlac ! schlac !" qui parle de faire du théâtre à l'école, et présente comment on écrit du théâtre, entre les répliques, les didascalies et autres doubles énonciations. Alors, comme le temps continuait de filer, on s'est dit que c'était le bon moment pour, nourri·e·s de tout ce qu'on avait déjà traversé, commencer à ECRIRE. 

Et c'est ce qu'on a fait, les élèves et moi - et une invitée surprise.

Line qui écrit

D'expérience, je sais que l'un des moments les plus difficiles quand on écrit, c'est de commencer. Je veux dire : à commencer à vraiment écrire. Même quand, comme à Charmont-sous-Barbuise, on a pris le temps de réfléchir, d'accumuler les références, de cerner le sujet, d'ouvrir l'imaginaire, etc. (Parfois, même, ça rend le moment de passer à l'écriture presque plus difficile). La plupart du temps, pour moi, une fois que j'ai trouvé la bonne piste, ça peut se mettre à filer, et être drôle, et fluide, et agréable, et surprenant. Mais avant, ça peut être aride, asséchant, haché, triste. Alors je voulais essayer de simplifier cette étape au maximum pour les élèves.

J'ai décidé d'appeler un de mes grands amis à la rescousse qui s'appelle le HASARD. C'est à dire que, à partir des notion MONSTRE et FAMILLE, j'ai inventé quelques situations. Je les ai écrites sur des petits papiers que les élèves ont tiré au sort. Ainsi, on pouvait tomber sur :

MON ENFANT EST UN MONSTRE

UN DE MES PARENTS EST UN MONSTRE

MA SOEUR/MON FRERE EST UN MONSTRE

JE SUIS MARIE·E A UN MONSTRE

JE SUIS LE SEUL NON-MONSTRE D'UNE FAMILLE DE MONSTRES

NOUS SOMMES UNE FAMILLE DE MONSTRES

Chacune de ces situations était écrite sur plusieurs papiers, si bien que, après le tirage au sort, il y avait des groupes de un, de deux ou de trois.

Pour moi, l'écriture est un temps long, je passe mon temps à effacer, à reprendre, à déplacer, à recommencer, à me poser des questions, à me mettre à pleurer, à crier que je suis un génie et que je suis en train d'écrire un chef-d'oeuvre, et à me lamenter parce que je suis en train d'écrire le PIRE texte du MONDE, etc. Alors, j'avoue tout : j'étais inquiet. Est-ce que l'inspiration allait être au rendez-vous ? Est-ce que les élèves allaient trouver de quoi écrire ? Est-ce qu'on allait avoir assez de temps ?

Eh bien, il se trouve que c'est à peine si j'ai eu le temps de me poser ces questions, parce que les 20 personnes de la classe (Camille était malade) avaient déjà presque fini. Paf, avec une simplicité et une évidence assez dingue à observer, au bout d'une journée, j'avais reçu une petite dizaine de pièces.

Je me suis dit que j'allais essayer de m'inspirer des élèves, quand j'allais écrire mon histoire de mère-ogresse : quand il y a une idée, les charmontais·e·s la suivent, et puis c'est tout.

Alors, bien sûr, derrière, les histoires sont perfectibles, il y a des choses à ajouter, enlever, préciser, etc. Bref, il y a encore du travail à mener sur le premier jet, mais, au moins, il est là. Et ça, je trouve ça inspirant.

 

 

Théo, Marina et Zyiad

Je suis reparti de Charmont-sous-Barbuise avec une liasse de textes sous le bras. Je les ai tapés à l'ordinateur, corrigés, parfois un peu remaniés, pour que, toutes ensemble, ces histoires fassent une seule grande pièce. Je n'ai pas la place de copier les productions des élèves ici, mais, pour vous mettre l'eau à la bouche, voici les titres :

L’HISTOIRE TERRIBLE DU TERRIBLE SECRET DE GUILLAUME

L’HISTOIRE EMOUVANTE DE CELLE QUI N’ETAIT PAS UN MONSTRE

L’HISTOIRE FOLLE D’UNE FAMILLE A RENDRE FOU

L’HISTOIRE ABOMINABLE DU PERE ABOMINABLE

L’HISTOIRE EFFRAYANTE DE CELLE QUI AIMAIT UN MONSTRE

L’HISTOIRE TRES TRISTE DES TROIS MONSTRES, DU MONSIEUR MYSTERIEUX ET DES VILLAGEOIS

L’HISTOIRE EPOUVANTABLE DU FILS A L’ŒIL UNIQUE

L’HISTOIRE CHOQUANTE DE L’ADO DOUBLE

L’HISTOIRE TRAGIQUE DU FILS DES MONSTRES

 

Globalement, ces histoires sont terribles et cruelles, et plutôt douces-amères. Il y a celle qui aime un vampire et alors c'est compliqué d'être mariée à quelqu'un qui tue des gens innocents; celui dont la soeur est monstrueusement méchante et qui est pourtant la préférée des parents ; la chasseuse de loups-garous dont le compagnon s'avère être un loup-garou ; le père qui est en fait un monstre des profondeurs marines et qui, dès que la mère a le dos tourné, terrorise ses enfants ; l'ado qui s'appelle Gabriel le jour et Gabrielle la nuit ; celle qui déteste son fils cyclope ; la Bête du Gévaudan qui se désole que son fils soit un simple chiot mignon ; les gentils monstres chassés de leur village ; et celle qui est mal-aimée par sa famille parce qu'elle a l'air d'une simple humaine ...

Cela donne quelque chose de surprenamment noir, assez jouissif à lire et mon esprit de metteur en scène s'échauffe en pensant à toutes les choses qu'on va pouvoir inventer pour mettre en scène ces histoires impossibles.

Mais ce sera pour une prochaine fois.

A bientôt ?

L'INVITEE SURPRISE

Mais avant de clore cet article, il faut que je raconte ce que j'avais annoncé, à savoir, la présence dans le texte d'une invitée-surprise.

C'est que Catherine, la maîtresse de classe, avec qui, décidément, c'est chaque jour un plaisir de travailler, m'a dit que, de voir ses élèves écrire et surtout jouer, ça lui donnait envie de faire pareil. Et alors on s'est dit : mais oui !

En dehors de l'école, donc, et par mail, j'ai proposé à Catherine différents sujets sur lesquels écrire. Elle a choisi d'écrire le monologue de LA MONSTRESSE D'ECOLE, qui ouvre et ferme la pièce. Et cela signifie qu'elle jouera avec ses élèves.

Je n'aurais même pas pensé à le lui proposer si elle ne m'en avait pas parlé, et je lui suis très reconnaissant de l'avoir fait. Je trouve ça formidable que les élèves et leur institutrice partagent cette expérience par la pratique; cela transforme vraiment le lien, cela fait de ce temps de création quelque chose qui, s'il continue d'avoir lieu à l'école, ne pourrait pas avoir lieu dans le cadre habituel. Le texte que Catherine a écrit est super et puis, moi, j'ai vraiment hâte de voir ce que ça va donner, cette adulte sur scène au milieu de vingt-et-un enfants et comment je vais diriger ces vingt-deux personnes.

"Bravo la vie !" (comme je dis quand je suis artistiquement particulièrement heureux)