Vite, je cours vers l'école, je vais être en retard. Je n'ai pas de copine, je reste seule à la récré. La matinée passe lentement. Je vais à la maison pour manger. Puis l'après-midi à quatre heure, je grignote des biscuits secs. Et je rentre en classe. Le soir, à la maison, je fais mes devoirs de maths et de français. Ha en fait j'ai oublié de me présenter : moi, 8 ans et demie je m'appelle Apolline VOLUBE. J'adore lire, mais chez moi il y a que 4 livres à la maison. Cendrillon,Heidi,le petit Poucet et Candy. Le problème ç'est que je les ai tous lu pleins de fois. Je vais me coucher. Je lis Cendrillon, je m'endors et je rêve de bijoux, de barettes...comme Cendrillon et d'un grand festin avec plein d'aliments qui me tendent les bras. Vite, je me réveille en sursaut, je dois aller à l'école, moi…
Texte original de Salomé, CM1
Nous aussi avions rêvé d’aller à l’école, seulement, le confinement est déclaré la veille de notre premier atelier avec les enfants. La rencontre est reportée, notre projet de réseau en fil dans la Grande rue du village est en suspens. Il aura sans doute lieu en octobre 2020.
Ici à Pouillenay (21) comme ailleurs, le projet de réseau en fil travaille les liens sociaux dans l’espace public. Il cherche à les représenter, les questionner, les renforcer par la création collective d’un réseau de fils accrochés aux éléments existants (arbres, poteaux, fenêtres…) et aux bobines-sculptures que nous fabriquons.
Arrivés mi-février, nous avions pris nos marques notre phase de préparation était bien entamée. Le maire Monsieur Rigaud nous oriente chez le dernier agriculteur du village Monsieur Moreau, dans la Petite rue, lequel nous fournit en fil avec une bobine de 3km de ficelle bleue utilisée pour les bottes de foin. Avec 5 allers-retours dans deux déchèteries nous collectons les métaux et plastiques colorés, stock complété par les trouvailles des élèves de CM1-CM2 de Madame Moretti.
Mais la "distanciation sociale" interdit la création collective des bobines-sculptures, le confinement ajourne la tenue du projet dans la rue avec ses rencontres, un fil qui passe de main en main, la convivialité de la fête du démontage…
1/ Préparer avec les enfants le futur réseau en fil dans le village
À la mi-mars nous envoyons un «exercice» aux enfants, les invitant à fabriquer l’extrémité d’une bobine et à raconter l’histoire des matériaux employés. Le texte de Salomé ci-dessus est l’une de nos deux réponses. Voici une photo de l’autre, de la part de Loane.
L’idée est qu’à la fin du confinement nous unissions les extrémités fabriquées par les enfants pour créer les bobines du réseau en fil dans le village.
Puis début avril nous proposons un second «exercice» aux enfants. Un dessin de ce qu’ils voient ou imaginent par leur fenêtre. Le dessin est traversé par un fil rouge de sorte qu’il puisse être uni aux autres.
Salomé nous envoie son dessin, elle utilise un vrai fil ! Nous recevons aussi d’autres dessins de nos voisines, Gil, Charlie et Louisa.
2/ Expérimenter le réseau en fil dans la chambre, dévoiler la face intime du dispositif
S’il est impossible dans l’espace public, pourquoi ne pas tester pour la première fois un réseau en fil dans l’espace privé ? Le dispositif s’est adapté à tant de contextes urbains différents nous sommes curieux d’étendre sa plasticité à un espace intérieur, petit et privé : une chambre.
Les Ateliers Médicis nous offrent un cadre via leur commande de «Tutos», de vidéos conviant les enfants confinés à un temps de création artistique. Pour transmettre cette envie de créer et faire voyager les enfants dans notre univers, nous décidons de commencer par la fabrication d’une bobine de fils (Vidéo #1) puis d’expérimenter les possibilités du réseau en fil dans la chambre avec des objets suspendus et un théâtre d’ombres (Vidéo #2).
En bonus, la scène du réseau en fil nous a inspiré une lecture animée du poème de Charles Baudelaire, L’invitation au voyage.
Finalement, notre idée est de lancer le fil par la fenêtre pour qu’il soit déroulé dans l’espace public à la fin du confinement, mais les voisins nous réservent une belle surprise (Vidéo #3).
Vidéos du Collectif MASI (Madlen Anipsitaki & Simon Riedler).
Musique : Compositions originales de Paul Hazan.
Graphisme des titres : Nana Stepanian.
Nos voisines ont passé le mot et les vidéos. Quand Salomé voit le réseau en fil qu’a créé sa camarade Charlie avec ses sœurs et ses parents, elle prend le relais et crée dans son jardin un «arbre à fil et à mots» avec ses frères et sœurs. De proche en proche, d’autres réseaux en fil privés sont prévus, nous pourrons les unir au moment du réseau en fil dans la Grande rue de Pouillenay déconfiné.
En parallèle, publiées sur les réseaux sociaux, ces vidéos ont permis de redonner un écho international au projet : visionnées en Grèce, au Guatemala, au Chili...de petits enfants font fleurir leur réseau en fil.
Nous reprenons le fil rouge de nos scénarios imaginaires et rêvons qu'il danse dans l'espace...il passe d'une fenêtre bourguignonne à une autre, il saute de balcon parisien en grille de pavillon et hall de grand ensemble, il part en Amérique après un crochet par les rues d'Athènes et de Sitia en Crète, il arrive à Santiago du Chili avec un détour par un parc de la ville de Guatemala...à ce fil rouge s'agrègent d'autres fils d'autres couleurs, origines et tailles créant un réseau en fil international capable de dépasser les frontières...